L’accueil chez nounou au temps du Covid-19. Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

protocole Nounou Estelle
Peut-être que comme moi, vous faites actuellement une overdose d’experts en blouses blanches (ou sans), venus nous expliquer depuis deux mois, tout et son contraire ? Ce défilé ininterrompu de spécialistes en tout genre est anxiogène et épuisant ! Nous avons bien compris que ce virus est difficile à cerner, qu’il surprend chaque jour les spécialistes du monde entier, que son évolution est imprévisible. C’est bien la seule chose qui est claire actuellement ! En l’absence de certitudes, nous devons donc continuer à avancer et à vivre notre vie avec le virus.

Peut-être que comme moi, vous vous étonnez actuellement de cette floraison tardive de protocoles Covid19, émanant de nos organisations syndicales ou associatives, de nos Conseils départementaux, de nos Ram ? A l’annonce présidentielle de la reprise progressive de l’activité, tout le monde semble s’agiter. Un guide ministériel est en préparation ! C’est qu’il ne faudrait pas laisser les assistantes maternelles sans soutien, n’est-ce pas ! Et cela fait grincer quelques dents, à juste titre. Cela fait rire (jaune) : « bonnes nouvelles, ils pensent à nous, chouette un protocole, des masques pour nous protéger à partir du 11 Mai ouffff ! Je suis soulagée …. AH MINCE !!! J'ai toujours continué à travailler avec 3 familles (aucun problème là-dessus) mais heureusement que je ne les ai pas attendus pour trouver une solution d'accueil avec des gestes barrières et essayer de me protéger car je serais peut-être en réa, intubée ou morte » (Isabelle)

Peut-être que comme moi, vous êtes lasse des communications contradictoires d’instances qui sont censées nous guider en temps normal ? Si dans un esprit de partenariat professionnel, certaines Pmi et certains Ram ont continué à échanger de manière bienveillante avec les assistantes maternelles, nos collègues qui n’ont cessé de travailler se sont retrouvées, dans leur grande majorité, très seules avec leurs questionnements et leurs angoisses. Rares sont celles qui peuvent dire, comme Sophie : « j’échange avec ma puéricultrice référente dès que nécessaire, c’est une personne très disponible. »  En revanche, ils ont été nombreux ceux qui ont alors affirmé avec un brin de condescendance et beaucoup de paternalisme que nous ne risquions rien à accueillir chez nous un petit groupe d’enfants. Toutes celles qui sont tombées malades apprécieront !

Peut-être que comme moi, vous êtes en admiration devant tout ce qu’ont mis en place nos collègues qui, après un premier moment de sidération et d’abattement, ont pris leur destin en main ? Car dans ces moments-là, « les grands se révèlent bien petits et les petits bien grands. »  Toutes ont dû organiser différemment l’accueil des enfants, avec un bon sens et une intelligence qui réchauffe le cœur. Tel Estelle qui a élaboré tout de suite son propre protocole d’accueil (photo), tel Marie-Laure qui s’est mise à la couture de blouses pour travailler plus sereinement, tel Lorène qui décrit dans un très beau texte son état d’esprit « Je garde en tête, que les contraintes liées à la crise sanitaire sont fortes et qu’il faut trouver une nouvelle façon de travailler. Pour ma part je refuse catégoriquement le retour en arrière avec hygiène à l’excès, cloisonnement et isolement. Je refuse aussi la possibilité de tout faire comme avant. Il reste de notre responsabilité de professionnels de nous adapter. Il n’en demeure pas moins que l’hygiène n’est qu’un moyen et non une fin ». Car qui peut assurer faire 2h de ménage tous les soirs, lavage de tous les textiles, désinfection de la maison du sol au plafond, et stérilisation des jouets, ainsi que le recommandent certains protocoles officiels actuellement ? Ces protocoles bien éloignés des réalités du terrain rassureront peut-être la Pmi et les parents mais sont en réalité inapplicables, et mettent ainsi une terrible pression sur des professionnelles. Fabienne-Agnès Levine le résume très bien ainsi dans un commentaire sur Facebook : « soit on accueille les enfants avec quelques aménagements et ils vivent leur vie, soit on ne reprend pas tout de suite. »

Peut-être que comme moi, vous vous projetez dans l’avenir ? Car si la situation actuelle est complexe, il n’en reste pas moins que certaines doivent chercher du travail pour septembre. Comment organiser ces nouvelles rencontres, faire visiter le logement ? Il faudra innover ! Si certaines assistantes maternelles n’ont cessé d’accueillir les enfants, elles ont beaucoup à apprendre à celles qui reprendront le 11 Mai, et nous sommes reconnaissantes de leurs conseils. Et si d’autres ont fait le choix d’arrêter le métier, devant la complexité de la tâche, nous pouvons le comprendre et en sommes attristées : « ce métier est le plus beau et le plus enrichissant que j'aie connu. Il est aussi le plus difficile et le moins reconnu... Pour ma part, j'ai choisi d'arrêter là, maintenant, j'y laisse des plumes, bien entendu… Je sais que toutes n’ont pas la possibilité de faire ce choix et je me considère chanceuse même si mon avenir est incertain. Vous faites un métier formidable, n’en doutez plus et prenez soin de vous. » (Amélie)
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 01 mai 2020
Mis à jour le 01 mai 2020