Le jour où j’ai appris que je gagnais trois fois le SMIC. Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

Jean Christophe Combe à l
Le salaire des assistantes maternelles a toujours fait fantasmer et ce n’est visiblement pas terminé ! On pensait avoir déjà tout entendu sur ce sujet, eh bien non !
Lors d’une séance à l’Assemblée nationale , le montant du salaire des assistantes maternelles a donné lieu à un bien triste cafouillage au plus haut niveau de l’état. Lors de cette séance filmée, notre ministre s’est perdu dans les chiffres, annonçant à notre plus grande stupéfaction, que nous gagnions un SMIC par enfant accueilli, « Oui, Monsieur le député, j’ai bien dit trois Smic en moyenne, pour trois enfants soit en moyenne trois SMIC par mois, oui Monsieur ! » Les assistantes maternelles qui accueillent 3 enfants gagnent en moyenne 3900€ par mois, notre ministre nous le confirme. Surprise !

Le gouvernement a intégré la réforme du Complément de mode de garde (Cmg) au Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). Cette loi détermine les conditions nécessaires à l'équilibre financier de la Sécurité sociale. Elle fixe les objectifs de dépenses en fonction des prévisions de recettes : le point n°3 vise à « diminuer le coût du recours à une assistante maternelle pour les parents ». Alors comment faire pour qu’un plus grand nombre de parents puissent avoir recours aux bienfaits de l’accueil individuel pour leur bébé ? Comment fait-on pour diminuer le coût de l’accueil ? Cela veut-il dire par hasard encadrer voire diminuer le salaire des assistantes maternelles ?
Pour nos parents employeurs en effet, le coût de la garde de leur enfant pèse lourd sur leur budget, c’est indéniable. Certaines familles pâtissent du barème du Cmg, pour d’autres le Reste à Charge plus important pour l’emploi d’une assistante maternelle et le crédit d’impôt différé sont un frein réel. Tous ces points ont donc été débattus à l’Assemblée nationale en deuxième séance le 26 Octobre, et en particulier l’article 36 : « Amélioration du soutien à la garde d’enfants ». Si tous ces sujets passent en général largement au-dessus de nos têtes, il est un point qui nous fait particulièrement réagir, c’est la régulation de notre salaire !
Notre ministre l’affirme : ce sont les assistantes maternelles elles-mêmes qui réclament cette réforme ! Ce que confirme la porte-parole de l’Ufnafaam : « Un taux horaire maximum ? Pourquoi pas ! Beaucoup d'assistantes maternelles le réclament. »
 Quelles sont donc ces collègues qui réclament que l’on fixe un taux horaire maximum, celui-ci étant déjà indirectement plafonné par la CAF : le plafond journalier à ne pas dépasser étant de cinq SMIC horaire par jour, sinon nos parents-employeurs se voient privés de Cmg. Il est tout de même rare que des salariés réclament que leur salaire soit plafonné ! Cette mesure est-elle destinée à rendre notre métier plus attractif et à attirer de nouvelles vocations ? Car sans assistantes maternelles, et avec le peu de places en crèche, comment les parents vont-ils aller travailler ?

Peut-on nous reprocher de vouloir vivre dignement de notre travail ? De penser à notre retraite ? A ceux qui protestent que nos collègues de l’accueil collectif ayant bénéficié de formations diplômantes ne touchent pas de tels salaires, on pourrait facilement rétorquer que notre amplitude horaire n’est jamais de 35h, que nous sommes entièrement seules à porter la responsabilité de l’accueil, une responsabilité morale, civile et pénale. Que nous sommes seules face à nos employeurs pas toujours très scrupuleux. Que nous sommes seules face aux méandres de l’administration. Ces responsabilités et cette solitude pèsent lourd sur notre quotidien. Nous aimons notre indépendance certes, nous apprécions de pouvoir organiser l’accueil selon notre sensibilité, nous sommes heureuses de pouvoir répondre aux besoins des enfants et de leurs parents de manière individuelle et personnalisée. Ce métier nous rend heureuses, sans nous rendre aveugles pour autant. Ni sourdes. Nous restons vigilantes.

Je voudrais remercier les députés qui se sont bruyamment manifestés lors de cette séance au Parlement, permettant ainsi à notre ministre de pouvoir revenir sur ces déclarations. Non, effectivement, nous ne gagnons pas trois SMIC par mois, ni d’ailleurs « un tiers de Smic par enfant, pour trois enfants, cela fait effectivement un Smic ! »  comme vous l’avez ensuite affirmé, Monsieur le Ministre. En prononçant ces mots, vous avez vous-mêmesparu surpris : pourquoi débattons-nous du plafonnement du salaire des assistantes maternelles, si, au final, elles sont au SMIC ? Aïe ! Ce n’est toujours pas ça. Mais peu importe finalement, n’est-ce pas ? Il faut avancer dans cette interminable séance, il faut passer au vote, même si on reste dans le flou complet concernant le revenu des assistantes maternelles, ce n’est visiblement pas très grave … Ont voté l’article 36, amendé : pour 124, contre 61.




 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 03 novembre 2022
Mis à jour le 03 novembre 2022