Les assistantes maternelles, ce grand mystère ! Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

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assistante maternelle avec bébé dans les bras  dit au revoir à une maman
Qui ne rêve pas de regarder par le petit trou de la serrure, ce qu’il se passe chez une assistante maternelle ? Les parents en premier lieu, qui nous confient ce qu’ils ont de plus cher, de plus précieux, et qui voudraient bien savoir par exemple, comment nous gérons seule 3 ou 4 enfants, alors qu’ils ont parfois du mal à s’en sortir, à deux, avec un seul petit : « mais comment faites-vous, Nounou ?! », entendons-nous ainsi de temps en temps. Ils aimeraient bien se faire petite souris chez nous pour voir leur enfant évoluer avec les autres, pouvoir observer toutes ces petites interactions, tous ces petits moments de vie que nous leur contons parfois le soir et qu’ils nous envient peut-être de vivre : nous exerçons un métier qui peut se révéler difficile mais tellement gratifiant !

Les pouvoirs publics aimeraient bien, eux aussi, pouvoir juger du travail si insaisissable des assistantes maternelles : ne rêvent-ils pas quelquefois, dans le secret de leurs bureaux, d’un monde utopique où l’on aurait le droit d’installer des caméras pour surveiller ce qu’il se passe derrière nos portes ? Car quel mystère que voilà ! Alors que nous venons tout juste d’être reconnues officiellement comme mode d’accueil, (le chemin aura été long, tout de même, depuis 1977, date de la création de notre statut par Simone Veil !), on peut imaginer que certains restent dubitatifs : comment ces professionnelles de terrain que nous sommes, ces femmes (et quelques messieurs, bienvenue à eux!) auxquelles on reproche leur manque de formation comme un leitmotiv, arrivent comme par miracle, à produire un accueil de très bonne qualité ? Sûr qu’on aimerait pouvoir y regarder de plus près !

Et avouons-le, nous aussi, nous sommes un peu curieuses !
Parce que si nous nous côtoyons au parc, à l’aire de jeux, aux ateliers de l’association (pour les plus chanceuses qui n’ont pas vu ces ateliers interdits), au Ram ou autre ludothèque, nous ne savons que très peu de choses sur la manière de travailler et le cadre de vie des unes ou des autres. À sa manière de parler aux enfants, on peut imaginer que l’une pratique la communication positive et que l’autre n’en a jamais entendu parler. À sa description d’un jeu chez elle, on sait que l’une dispose d’une salle de jeux, et l’autre pas. À sa façon de gérer certaines situations critiques, on imagine que l’une est débutante et l’autre expérimentée. Ce ne sont que suppositions. Lorsque j’ai raconté mon expérience d’assistante maternelle dans mon premier livre (1), certaines collègues s’y sont reconnues, un peu, beaucoup ou pas du tout : preuve en est de la riche diversité des profils et des expériences.

Ainsi saluons-nous tous l’initiative de cette récente étude sur l’accueil individuel  ! Nous nous sommes reconnues dans cette analyse, nous nous sommes senties écoutées et valorisées. Cette enquête met en avant les points positifs de l’accueil individuel qui sont si nombreux, sans occulter certaines difficultés. Il est indispensable de remercier les personnes qui en ont eu l’idée et qui l’ont mise en place, ainsi que les collègues qui y ont participé, et la sociologue qui l’a réalisée car une étude de ce genre, vue de l’intérieur est réellement unique et servira, on l’espère, à mieux faire connaître notre profession. Certains rapports farfelus ne reposant sur rien de concret et leurs conclusions lapidaires sur notre métier feraient bien de s’en inspirer ! Néanmoins, si l’on voulait vraiment jouer l’avocat du diable, on pourrait souligner qu’un panel de 20 assistantes maternelles, c’est assez peu au regard du nombre total de collègues en exercice, et l’on peut imaginer que les volontaires étaient « un groupe de femmes particulièrement investies de la profession ». On peut en déduire que les pratiques observées sont donc celles de collègues « bénéficiant d’une certaine assise professionnelle », proposant une bonne qualité d’accueil.  Qu'en est-il de toutes les autres ?

Mais loin de moi l’idée de jouer les trouble-fête ! Une étude positive redorant notre blason et nous mettant ainsi en lumière, bien sûr, nous en sommes ravies. D’ailleurs, n’allons-nous pas de ce pas l’offrir à tous ces candidats aux élections municipales qui sont actuellement en lice ? Ne pourrait-on croire, en passant devant les nombreux panneaux électoraux que tous les administrés semblent réclamer toujours plus de places en crèche ? Ne serait-il pas plus juste d’écrire que les parents (et électeurs) ont besoin de plus de places d’accueil (individuel ou collectif) pour leurs enfants afin de pouvoir aller travailler sereinement ? Mais savent-ils seulement que notre métier existe ?

(1) Une vraie vie de nounou, Philippe Duval éditions, 2012
 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 02 mars 2020
Mis à jour le 02 mars 2020