Les assmats dans la tourmente (encore) ! Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

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ssistante maternelle avec jeune enfant
A l’apparition du énième guide depuis deux ans que dure cette crise, que dire de la lassitude qui nous submerge ? Lassitude, colère, dépit : beaucoup d’entre nous déclarent ouvertement ne plus les lire, d’autres continuent bravement à les transférer à leurs parents-employeurs qui ne les lisent plus depuis longtemps non plus, d’autres encore qui trouvent quelque réconfort dans l’humour, préfèrent ironiser et rire jaune de cette situation et pour finir, il y a celles qui tentent de suivre la cadence. Les bonnes élèves du premier rang trouvent encore l’énergie de décrypter des consignes incompréhensibles : « Professionnel cas contact d’un cas confirmé avec un schéma vaccinal complet à son domicile », question à 3 points : qui a le schéma vaccinal complet, le professionnel ou le cas confirmé ? Outre les consignes pas toujours très claires, celles-ci se voient parfois contredites par le médecin traitant, l’ARS, ou la Pmi ...

Et quatre guides en à peine un mois, dites-moi, nous avons battu un record ! Des guides, il y en a eu une bonne quantité, ce que l’on peut comprendre jusqu’à un certain point, puisque cette maladie au départ inconnue a évolué au fil du temps : il était donc normal que les consignes évoluent également. Le tout premier guide, rappelez-vous, celui qui nous demandait de passer notre maison à l’eau de Javel plusieurs fois par jour, entre autres aberrations, et qui a poussé nombre de collègues à abandonner la profession, ce guide-là, avait pourtant été plutôt bien accueilli à l’époque. Ou bien étions-nous trop abasourdies pour trouver la force de réagir ? Nos collègues qui ont travaillé durant le premier confinement sans masque, sans gel et sans consignes s’étaient pourtant très bien débrouillées, avec bon sens et sang-froid (et parfois la peur au ventre) ! Au lieu de s’appuyer sur leur précieuse expérience de terrain, on a préféré émettre des préconisations sorties de nulle part.

Mais à un moment, même les assistantes maternelles peuvent se sentir poussées à bout. Aucune écoute de la part des autorités, aucune prise en considération des problématiques spécifiques à l’accueil individuel, aucune reconnaissance d’un travail éprouvant même s’il est très enrichissant : trop c’est trop ! Dans notre profession pourtant, nous n’avons pas vraiment (pas encore) la culture de la revendication ni de la grève et malgré tout c’est historique : ce jeudi, l’intersyndicale nous a appelées à manifester notre désaccord face aux incohérences du guide du 7 Janvier. Un guide qui mettait les assistantes maternelles en grandes difficultés, tant sanitaires que financières.

Mais comment est-il possible en effet que l’on demande aux assistantes maternelles de cesser l’accueil, sans avoir prévu une quelconque indemnisation ? Imaginons un instant une assistante maternelle mère de trois enfants : ces derniers sont chacun à leur tour positifs à la Covid19, une situation assez banale actuellement. Ces enfants sont donc à la maison, et notre assistante maternelle doit arrêter de travailler : jusqu’à aujourd’hui, elle n’est pas rémunérée par ses employeurs ni indemnisée par l’assurance maladie, n’étant elle-même pas malade. Cela pourrait donc vouloir dire plusieurs semaines sans salaire. Comment un tel détail a-t-il pu échapper à nos têtes pensantes ? *

Et pardon, mais qui s’y retrouve à l’heure actuelle dans la question labyrinthique des tests ? Même notre Premier Ministre semble complètement perdu au JT de 20h ! Les enfants de moins de trois ans doivent-ils se faire tester, et si oui, comment ? Leurs parents doivent-ils nous fournir une preuve de leur bonne santé ? Une promesse la main sur le cœur, une attestation sur l’honneur, une preuve matérielle ? Cela change constamment ! De toute manière, quelques éternuements et un nez qui coule, c’est tellement fréquent que nous allons tous finir par devenir fous, à suspecter la maladie partout et tout le temps ! Et pour nos parents-employeurs qui doivent coûte que coûte aller travailler, c’est l’angoisse de découvrir leur enfant éventuellement malade.

La filière de « contact tracing » censée nous prévenir de la propagation du virus semble elle-même bien mal en point : victime collatérale de l’effondrement général du système, elle ne suit plus la cadence des contaminations. Finis les appels de la CPAM ou de l’ARS, au mieux un petit SMS, voire rien du tout, ou bien si longtemps après un éventuel contact avec une personne positive que cela ne sert plus à rien. Se faire tester à J0, lorsque la nouvelle tombe une semaine après, une plaisanterie ? Si la stratégie « tester, alerter, protéger » tombe à l’eau, comment continuer à travailler sereinement ? Comment continuer à accueillir les tout-petits et leurs parents sans nous sentir en danger ?
Nous nous sentons ballottées dans la tempête, et la question centrale reste bien : « y a-t-il encore un pilote dans l’avion ? »

* « les assistantes maternelles ont reçu l’assurance par écrit que celles qui devront suspendre l’accueil conformément au nouveau protocole seront indemnisées (à titre dérogatoire) par la CPAM qu’elles exercent à leur domicile ou en MAM et quel que soit leur schéma vaccinal. »

 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 17 janvier 2022
Mis à jour le 10 juin 2023