Déconfinement : les responsabilités des directeurs d’EAJE . Par Géraldine Chapurlat

Juriste

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enfants à la crèche
L’accueil des enfants au sein des EAJE dans ce contexte de crise sanitaire pose de manière cruciale la question des responsabilités des professionnels de direction. Cette semaine sera une semaine de mobilisation des directions de structures pour faire face à ce nouveau risque. Il leur appartiendra donc de définir en urgence des protocoles dans ce contexte de pandémie. La tentation semble grande de penser que pour réduire la responsabilité, l’accueil des enfants soit envisagé sous l’unique prisme de la sécurité sanitaire. Les responsabilités des directrices sont à envisager d’un point de vue plus large, celui de la qualité  d’accueil.

Oui, dans cette société d’après, un nouveau risque existe, il génère des inquiétudes fort légitimes des professionnels qui vont participer à la vie d’après. On le sait, le confinement n’a pas fait disparaitre le virus. L’objectif assigné au confinement était d’éviter que le système de santé ne soit saturé. Avec le déconfinement, aussi angoissant que cela puisse paraitre, le risque de contamination existe.
Qu’en est-il de la responsabilité à accueillir ? Les modes de propagation du virus étant au fur à mesure mieux connus, la responsabilité de la direction sera donc d’adapter les conditions d’accueil pour éviter la propagation du virus.
Il faudra évidemment travailler -dans un premier temps et dans l’urgence- la définition de mesures sanitaires dans la structure. Cette formalisation relève d’un  premier niveau de responsabilité de la direction de l’EAJE : un travail d’adaptation des conditions d’accueil afin d’éviter que le virus ne se propage par l’intermédiaire de la structure. La tâche n’est pas facilitée quand à moins d’une semaine avant le déconfinement aucun cadre sanitaire national n’est précisé. La DGCS doit publier ce document très prochainement. Sans être directement opposable juridiquement parlant, il constituera le socle des bonnes pratiques. Certaines PMI ont aussi travaillé à la formalisation de ce type de protocole.Qu’en sera-t-il d’éventuelles contradictions entre protocole national et protocole départemental quand des bruits courent que les préconisations nationales seraient celles de la distanciation physique alors que les  protocoles PMI  de ma connaissance les excluaient, à juste titre, pour la petite enfance. Le  gouvernement a  justement légitimé le ports du masque par l’impossibilité de mettre en place la distanciation physique.
Il me parait indispensable de rappeler que ces textes cadres ne devront pas être simplement affichés ou repris par morceaux dans les structures : ils devront être intégrés dans le fonctionnement de l'établissement et adaptés au contexte particulier de l’établissement. Ils devront être considérés comme des adaptations provisoires du règlement de fonctionnement, et à ce titre, validés par le gestionnaire de la structure.
Notons que ce protocole d’établissement aura aussi vocation à évoluer en fonction de la connaissance de la maladie, parce que les connaissances sont mouvantes dans ce contexte épidémique si particulier et que les préconisations ont donc vocation à évoluer. Mais le protocole aura aussi vocation à évoluer en fonction de ce que vivra l’établissement dans les premiers temps d’accueil.

Le protocole formalisé ne signifie pas la fin du long travail d’adaptation car la responsabilité de la direction consistera à s’assurer que l’ensemble des acteurs concernés se seront approprié ces nouvelles règles de fonctionnement  Dans ces conditions, l’accueil des enfants le 11 mai au matin semble être prématuré : il faudra que les équipes aient pu être informées, formées aux nouvelles conditions d’accueil. Notons que cette phase de préparation à l’accueil a été prévue par l’éducation nationale pour l’accueil dans les classes maternelles et élémentaires. On n’imagine pas comment une direction d’un EAJE puisse assumer sa responsabilité en se dispensant d’une telle étape. Notons par ailleurs, que pour être opposables aux salariés,  les nouvelles préconisations sanitaires devront être intégrées dans le règlement intérieur qui fixe les relations salariés/employeur.
En parallèle il faudra aussi informer  les parents des modifications des conditions d’accueil. Le respect de ce protocole sanitaire nécessite leur entière collaboration, les directions devront là aussi faire preuve de pédagogie pour que le message puisse être bien compris et les consignes appliquées en bonne intelligence.

En cas de contagion  d’un enfant ou d’un professionnel au sein de la structure,  la direction qui aura mis en œuvre l’ensemble des dispositions que j’ai précédemment évoqué, se trouvera alors en capacité de s’expliquer sur des bases solides, notamment devant une juridiction pénale. La direction de l’établissement qui n’aura rien formalisé sera, j’en suis certaine, dans une position bien plus inconfortable.

Mais, dans notre  réflexion en matière de responsabilité, il serait dangereux de s’arrêter au prisme sanitaire. La direction est garante de la bonne application de son projet d’accueil : elle a donc la responsabilité, cruciale, d’apprécier si le protocole sanitaire n’éclipse pas totalement la qualité d’accueil telle qu’elle est définie dans le projet pédagogique. Il ne me paraitrait pas  insensé de n'accepter les réouvertures des établissements qu'à condition que l'on puisse créer suffisamment d'interaction avec l'enfant. Des enseignants, prenant acte des préconisations de distanciation physique du protocole sanitaire et constatant leur inadéquation  à la tranche d’âge 3-5 ans ont refusé l’accueil des enfants de petite et moyenne section. La question pourrait se  poser de la même manière si le protocole sanitaire applicable à la petite enfance émet des préconisations du même ordre.
 
Article rédigé par : Géraldine Chapurlat
Publié le 04 mai 2020
Mis à jour le 11 mai 2020