Paradoxes réglementaires. Par Géraldine Chapurlat

Juriste

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enfants qui jouent
Il fut un temps où nous attendions encore une réforme du cadre réglementaire des modes d’accueil collectifs de la petite enfance : la réforme avait en effet été promise en 2010 alors que le Décret dit Morano avait suscité une levée de boucliers des professionnels de la petite enfance. Si le texte était tant décrié c’est qu’il allégeait significativement le cadre règlementaire applicable aux EAJE avec la création des micro-crèches, la baisse des professionnels diplômés présents dans les EAJE classiques, et la possibilité d’accueil en sureffectif. En réalité, en moins d’un an, c’est l’ensemble des modes d’accueil de la petite enfance qui avait été profondément réformé… Car, la même année, les Maisons d’Assistants Maternels (MAM) étaient créées : une catégorie « hybride » d’EAJE dont le cadre réglementaire relève des modes d’accueil individuel mais susceptible tout de même d’accueillir 16 enfants simultanément, soit davantage que l’effectif d’une micro-crèche ou qu’un petit EAJE.

Huit ans après, l’ensemble de ces modifications a considérablement modifié le visage des modes d’accueil de la petite enfance. Les guides ministériels se sont multipliés durant ce même laps de temps. S’ils constituent des repères utiles pour mettre en avant les bonnes pratiques, il parait important de rappeler qu’ils n’ont qu’une valeur consultative et n’ont pas vocation à créer une nouvelle source de droit. Ces guides témoignent aussi à mon sens, de la difficulté des départements à proposer des modalités de contrôles et de suivi homogènes des modes d’accueil de la petite enfance.

C’est bien une réforme du cadre juridique des modes d’accueil collectifs et individuels de la petite enfance qui permettrait une mise en cohérence de leur règlementation. En tant que juriste spécialisée sur ces questions, je suis régulièrement obligée de constater les paradoxes de cette règlementation qui aboutissent à de véritables incohérences auxquelles les gestionnaires sont régulièrement confrontés. En voici quelques illustrations.

J’ai été interpellée il y a quelque temps sur la responsabilité d’un Relais Assistants Maternels (RAM) qui propose des temps d’accueil où les assistantes maternelles ne sont pas forcément dans les mêmes pièces que les enfants qui leurs sont confiés, permettant ainsi à ces enfants de bénéficier d’ateliers adaptés à leur âge. Pour tenter de sécuriser ces pratiques, les parents signent un document autorisant leur enfant à participer au dit atelier. Ces autorisations sont-elles suffisantes pour sécuriser l’activité proposée par le RAM ?
Aucune autorisation des parents ne peut contrevenir au  cadre défini par la loi pour l’agrément des assistants maternels, cette dernière doit donc s’occuper personnellement des enfants qui lui sont confiés. Cette pratique proposée par les RAM contrevient donc au cadre de leurs  agréments. Autoriser son enfant à participer à un atelier animé par une éducatrice jeunes enfants, encadré par une autre assistante maternelle peut s’apparenter à la délégation créée pour l’accueil en MAM. Le mécanisme de la délégation permet ainsi dans une MAM à ce qu’une assistante maternelle soit autorisée par ses employeurs à confier un enfant à l’une de ses collègues pour la mise en place d’activités communes à plusieurs enfants du même âge accueillis dans la MAM.
Si cette pratique de la délégation est maintenant admise par tous les services de PMI pour permettre d’introduire un peu de collectif dans les MAM, il n’est malheureusement pas possible de l’utiliser pour un RAM... Peut-on réellement le justifier ? Je n’en suis pas certaine…

De la même manière, il existe pour les EAJE une disposition qui oblige les structures à ce que deux professionnels soient présents, quel que soit le nombre d’enfants présents dans la structure. Cette disposition pose régulièrement problème, certains gestionnaires comptant des salariés non titulaires des diplômes ou qualifications requis (la cuisinière, la personne de l’entretien) pour avoir deux personnes dans la structure.
D’un autre coté, les micro-crèches peuvent se prévaloir quant à elles d’une dérogation qui leur permet de fonctionner avec un seul professionnel pour 3 enfants. Cette disposition permet donc aux micro-crèches d’ouvrir et fermer la structure ou organiser des sorties avec un seul professionnel.
Quelle logique préside à cette réglementation différenciée ? Je suis encore bien en peine à l’expliquer.

Une autre illustration : comment une micro-crèche peut-elle veiller à la santé des enfants accueillis sans aucun professionnel de santé dans ses effectifs ? Comment met-elle en place l’ensemble des protocoles imposés par la loi ? Comment accueille-t-elle des enfants avec des problématiques de santé ou en situation de handicap? Si certains départements ont pris le taureau par les cornes et exigent que la référente technique soit infirmière-puéricultrice, d’autres départements exigent que la structure bénéficie de vacations d’un médecin ou d’une infirmière- puéricultrice pour établir a minima les protocoles autour de l’hygiène et la santé. La réglementation demeure quant à elle, avec ses incohérences..

Dernière illustration et non des moindres, alors que les professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux sans aucune compétence médicale sont autorisés à procéder à l’aide à la prise des médicaments prescrits depuis 2009, cette possibilité n’est pas encore ouverte aux professionnels de la petite enfance. Reste donc aux gestionnaires des EAJE soucieux de la santé des enfants accueillis, de prendre leur responsabilité face à ce flou juridique qu’il serait pourtant de facile de combler en étendant le champ d’application de l’article.

Je ne peux me résoudre à tenter de trouver des explications à ces paradoxes règlementaires et ne peut que constater qu’il devient urgent de mettre fin à ces incohérences.
Article rédigé par : Géraldine Chapurlat
Publié le 15 octobre 2018
Mis à jour le 16 octobre 2018