Maîtresse ou Julie ? Par Julie Marty-Pichon

EJE, professeur des écoles

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Il y a quelques semaines, j'étais en formation obligatoire sur la thématique du partenariat "Professeur des écoles/Atsem". Au détour d'un travail de groupe sur le rôle de chacun dans la classe notamment par rapport aux enfants dits "à besoins particuliers", j'expliquais simplement que dans la classe je disais souvent aux enfants que "Maîtresse" et "Capucine" c'était pareil, notamment quand il s'agit de respecter les règles de fonctionnement de la classe. A ce moment précis, je vois des sourcils se froncer et des gestes de désapprobation de la part de certaines collègues présentes.

L'intervenante me laisse finir mon exposé puis demande à l'assistance si tout le monde est d'accord avec l'ensemble de mes dires. Là, une main se lève pour expliquer son désaccord sur cette cette phrase "Maîtresse et Capucine c'est pareil". Cette collègue exprime alors le fait que dans la classe, les rôles et postures de chacun doivent être bien distincts si on veut que les élèves respectent le fonctionnement de la classe. Par ailleurs, l'intervenante ajoutera que non, Maîtresse et Capucine ce n'est pas pareil et qu'il faut que les élèves fassent bien la distinction.

Dans le fil de la discussion, on me demande alors comment les élèves m'appellent. Je réponds qu'ils ont le choix, que soit c'est Maîtresse, soit c'est Julie. Certaines m'appellent même Maîtresse Julie ! De nouveau, désapprobation de cette même personne qui explique qu'il est important qu'on n'appelle pas les professeurs par leur prénom mais bien par "Maîtresse" pour encore une fois faire la distinction. J'ai eu beau expliquer que les enfants savaient très bien faire la différence entre nos deux fonctions et que ça ne posait aucun problème mais rien n'y a fait, j'avais touché un point sensible d'une pratique institutionnelle. 

Après réflexion, je me suis demandé ce que tout cela mettait en jeu au sein de l'école tout en faisant le parallèle avec mes années d'expérience en toute petite enfance. Est-ce que dans les équipes d'EAJE, les enfants disent "Julie, l'éducatrice" ou "Claire la directrice" ou encore "Stéphanie l'auxiliaire de puériculture" ? Pas du tout, les enfants disent tout simplement Julie, Claire ou Stéphanie. Ils savent qui les accompagne au quotidien, quelle est leur professionnelle référente, celle qui est là tout le temps et celle qu'ils voient de temps en temps. Ils savent surtout que l'une ou l'autre répondra à leurs besoins le moment venu.

Pourquoi alors faire ou non une telle distinction au sein de la classe ? La classe maternelle est un système fragile qui repose en premier lieu, à mon sens, sur la qualité des relations du binôme Professeur des écoles/Atsem. Si la relation professionnelle est claire entre les deux, si les rôles et missions de chacune sont explicites, les enfants sauront très bien qui fait quoi. Sur les questions des règles de fonctionnement de la classe notamment, quel que soit l'adulte, le professionnel qui intervient, oui de mon point de vue c'est pareil. Les règles sont connues de tous, des adultes comme des enfants, et leur respect est attendu de tous, des adultes comme des enfants. Si le comportement d'un enfant n'est pas approprié, l'adulte quel qu'il soit est légitime pour reprendre les règles avec l'enfant et appliquer une sanction si nécessaire. 

Et c'est parce que justement, quel que soit l'adulte qui intervient, l'enfant reçoit la même réponse et que les repères sont clairs, qu'il peut évoluer sereinement dans la classe. On se fiche alors pas mal si c'est Maîtresse ou si c'est Capucine qui est intervenue car la réponse de l'une ou de l'autre a la même valeur symbolique. C'est là peut-être la difficulté exprimée par cette collègue : il n'y a alors plus de hiérarchie, d'autorité dans les rôles. Combien de fois ne m'a-t-on pas expliqué l'année dernière que c'est le professeur des écoles qui a la responsabilité de la classe ! Certes d'un point de vue administratif, de sécurité et pédagogique. Mais la responsabilité émotionnelle et contenante si je peux l'exprimer ainsi, elle est bien du ressort de l'ensemble des adultes de la classe. 

La plupart des enseignants sont de bons passeurs de savoirs mais peuvent être très vite en difficulté dans ce qu'on appelle la "gestion de classe", quand il faut faire face à des comportements d'enfants qui débordent du cadre. Le contexte institutionnel dégradé n'aide pas non plus et la relation Professeur des écoles/Atsem n'étant pas du tout travaillée en formation initiale, il n'est pas étonnant que certaines collègues voient dans cette distinction d'appellation "Maitresse" et "Capucine" une façon de se protéger pour mener à bien leur mission d'enseignement. Qu'à cela ne tienne, à la rentrée prochaine, les enfants de ma classe auront toujours le choix ! 
 
Article rédigé par : Julie Marty-Pichon
Publié le 22 avril 2022
Mis à jour le 22 avril 2022