A propos de la formation des Accompagnants éducatifs petite enfance (AEPE). Par Laurence Rameau

Puéricultrice, formatrice, auteure

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enfants et professionnelle à la crèche
Auxiliaire de crèche, animateur petite enfance, aide-auxiliaire de puériculture, assistante petite enfance, agent de crèche, agent d’animation petite enfance, aide-éducateur…Les termes sont nombreux pour désigner les métiers qui seraient accessibles avec, en poche, un Certificat d’Aptitude aux fonctions d’accompagnant éducatif petite enfance (anciennement CAP petite enfance). A tel point que des référents pédagogiques de cette formation pensaient encore récemment qu’il s’agissait d’emplois différents et donc que les personnes suivant cette formation avaient accès à de nombreuses possibilités de travail à l’issue de leur diplôme ! Il n’en est rien et s’il était difficile de définir un métier à partir d’un CAP petite enfance, aujourd’hui celui d’accompagnant éducatif petite enfance s’impose à tous. Mais quel est ce métier et d’où vient-il ?

Le CAP petite enfance n’a pas été prévu à son origine pour former des professionnels de crèches, ni même pour représenter un métier. Il avait été créé en 1991 pour répondre à la demande des collectivités territoriales afin de professionnaliser les personnes intervenant dans les écoles maternelles auprès des professeurs des écoles : les ATSEM (Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles). Ce diplôme devait servir à orienter les anciennes « femmes de service » dont les tâches initiales se limitaient à l’entretien des locaux et à l’hygiène des enfants, vers des missions plus éducatives, leur permettant ainsi d’intégrer pleinement les équipes éducatives. La réforme du diplôme de 2017, en venant modifier le nom et le contenu de la formation, a changé la donne et ouvert les portes aux diplômés du CAP vers d’autres secteurs accueillant des jeunes enfants : les EAJE et l’accueil à domicile.

Aujourd’hui la formation de ces futurs diplômés intègre et propose donc les spécificités de chaque secteur d’intervention possible : l’école, la crèche, le domicile. Pour les crèches, elle constitue le socle de base d’une filière petite enfance qui n’existe pas encore officiellement, mais semble de plus en plus se constituer sur les terrains. Les éducateurs de jeunes enfants et les accompagnants éducatifs petite enfance marquent à eux seuls le virage éducatif des EAJE (établissements d’accueil du jeune enfant) pris depuis les années 2000. Ces deux métiers font partie du domaine du travail social dans la nomenclature des certifications professionnelles mais se situent à des niveaux bien différents puisque les AEPE sont de niveau 3 (CAP-BEP) alors que les EJE (éducateurs de jeunes enfants) sont de niveau 6 (Licence-Maîtrise) ! Il y a donc bien un écart de formation entre les deux professions, différence très visible dans les établissements et à l’origine de nombreuses difficultés de compréhension, d’attentes et surtout de qualité pédagogique. Quant aux professions à caractère plus sanitaire comme les puéricultrices et les auxiliaires de puériculture, elles sont de moins en moins représentées ou constituent des références ponctuelles en matière de santé des jeunes enfants, selon les obligations règlementaires.

Comment la formation peut-elle tenter de combler ce gouffre entre ces deux métiers afin de mieux préparer les futurs accompagnants éducatifs petite enfance à travailler en crèche aux côtés des éducateurs de jeunes enfants ?

Par la mise en place de prérequis avant la formation. Travailler avec des jeunes enfants demande un certain niveau de réflexion et de capacités de compréhension. Certes le CAP se situe à un niveau d’exécution et le travail se fait sous la responsabilité d’autres professionnels. Mais il ne s’agit ni de dossier mal rempli, ni de chiffres mal alignés, ni de pain mal cuit ou de vis ou boulon mal serrées, mais de bébés et de jeunes enfants ! Si chaque métier doit viser l’excellence et contenir une part de responsabilité, celui qui consiste à éduquer des petits, à créer pour eux des environnements adaptés, à savoir comment les accompagner dans leurs premiers apprentissages, sans les ne blesser ni les délaisser, prend une dimension particulière et ne peut pas être exercé par tous.  Une sélection des candidats à ce métier sur les capacités logiques, de réflexion et de culture générale est donc nécessaire. Impossible de continuer à recevoir des personnes ne comprenant pas les livres lus aux enfants où se demandant quel âge peut avoir l’enfant quand il a douze mois !   

Par la création de programmes adaptés au travail en crèche. Le référentiel du CAP AEPE donne les grandes lignes du métier sans pour autant interdire aux centres de formation de construire des programmes adaptés à la réalité des terrains, ici celui des crèches. Il est donc nécessaire de prévoir un programme basé pour une première partie sur les places et représentations actuelles des jeunes enfants, sur leur développement, leur vision du monde et leurs façons de l’apprendre, niveau préalable à une seconde partie sur l’accompagnement éducatif, les organisations pédagogiques des crèches, le fonctionnement des établissements, le travail d’équipe et les partenariats éducatifs avec les parents.

Par la coordination entre les formateurs des centres de formation et les tuteurs de terrain. Lorsqu’ils sont trop éloignés les uns des autres, les formateurs et les tuteurs de formation ou de stage ne se comprennent parfois pas, se contredisent ou se mésestiment, insécurisant le parcours de formation des futurs diplômés. Il serait donc intéressant de construire un programme de formation en commun qui permettent à chaque partie de comprendre les attentes des autres et d’arbitrer en faveur des stagiaires ou des apprentis. Plus le terrain-crèche prend de l’importance, comme par exemple dans le cadre de la formation par l’apprentissage, plus les tuteurs de formation doivent intervenir dans la formation et pas uniquement être pris pour des relais exécutant les programmes des écoles.

Par la prise de conscience des gestionnaires qu’un stagiaire ou un apprenti n’est pas en crèche une main d’œuvre supplémentaire à bon marché mais aussi une charge pour les équipes occupées à le former.  En effet, la formation d’un accompagnant éducatif petite enfance est coûteuse pour les équipes de crèche, et surtout pour le tuteur de formation qu’il soit de stage ou d’apprentissage. Cela demande une surveillance et une responsabilité constante, une répartition et un suivi du travail, un accompagnement des apprentissages avec des bilans réguliers, une coordination avec le centre d’apprentissage. Considérer la personne en formation comme des bras supplémentaires est une grave erreur qui conduit à la désorganisation et à l’amoindrissement de la qualité d’accueil attendue dans les crèches.  

Conclusion ? AEPE : clairement ce nom annonce ce que doit être le contenu du travail de ces professionnels : accompagner l’éducation des jeunes enfants. Ce nom les ouvre donc à l’entièreté des tâches et missions rencontrées dans les EAJE, c’est-à-dire l’accompagnement du développement, des apprentissages, des soins et des parents…Encore faut-il  les former réellement à cela et vérifier leurs aptitudes à cet exercice professionnel en crèche.

 
Article rédigé par : Laurence Rameau
Publié le 05 décembre 2021
Mis à jour le 05 décembre 2021