L’attention conjointe : regarder ensemble dans la même direction. Par Monique Busquet

Psychomotricienne, formatrice petite enfance

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adulute + enfant
La capacité à porter notre attention ensemble est un des socles de la qualité de nos interactions : savoir regarder dans la direction qu’un autre nous indique et savoir solliciter l’attention de l’autre par un geste de la main. C’est une notion peu souvent évoquée et pourtant le fondement de notre vivre ensemble.

Cette capacité qui se développe progressivement au cours de la première année est précédée par différentes étapes dès les première semaines et mois. Tout d’abord, bébé et adulte se regardent l’un l’autre, souvent intensément et dans un plaisir partagé : rencontres et croisement de regards, puis échanges de sourires. Puis ces interactions s’enrichissent d’échanges sonores : des « areu, mamama » qui se répondent, dans un tour de rôle fondamental : j’entends et j’écoute, je produis des sons, j’écoute de nouveau…. Les bébés sont particulièrement attentifs, demandeurs et partenaires actifs de ces jeux « ensemble ».
L’attention du bébé est également attirée par ce qu’il entend et ce qu’il voit autour de lui. Il tourne alors la tête pour regarder. L’adulte, s’il est suffisamment disponible à ce bébé, regarde à son tour dans la même direction, et lui nomme : « tu as vu le chat, tu as entendu le chien, tu as vu untel passer… »  
A d’autres moments, c’est l’adulte qui montre et désigne quelque chose à l’enfant. Il pointe du doigt tout en parlant de ce « objet ».  Ainsi il invite l’enfant à le rejoindre et regarder dans cette direction.
Enfin vers 13-15 mois en moyenne, l’enfant utilisera à son tour ce geste de pointer du doigt lorsqu’il veut solliciter l’attention de l’adulte vers un objet.
 
Ces étapes se passent habituellement sans que nous en prenions conscience. Elles sont pourtant  véritablement essentielles. Mais elles sont parfois mises à mal lorsque l’adulte n’est pas assez disponible pour voir ce qui attire l’attention de l’enfant et le rejoindre. Ces étapes sont également mises à mal lorsque l’enfant est seul devant un écran, sans que personne ne vienne regarder et interagir avec lui sur ce qu’il voit. Or, l’enfant ne peut rien décoder, rien comprendre ou faire de ce qu’il perçoit si l’adulte ne le rejoint pas.  L’enfant apprend le monde, s’y intéresse si les adultes le regardent avec lui.
 
Cette capacité de l’enfant dépend aussi de la qualité de son développement cérébral. Ainsi l’absence d’utilisation de ce pointer du doigt est vers 18 mois, un des signes d’alerte des troubles du spectre autistique. L’enfant qui n’a pas cette capacité d’attention conjointe vient alors prendre directement la main de l’adulte pour le solliciter. Un des outils utilisés en thérapie est ce jeu d’imitation réciproque (à partir des travaux de Jacqueline Nadel). Le thérapeute commence par imiter l’enfant, il le rejoint dans ce qui l’intéresse et dans ce qu’il fait.  Ensuite l’enfant peut trouver très progressivement le chemin de l’imitation et l’attention à l’autre. 
 
Même en dehors de ces troubles neurodéveloppementaux spécifiques, certains enfants peuvent nous sembler ne pas s’intéresser assez à ce que nous leur proposons et montrons. Ceux-ci ont d’autant plus besoin que nous les rejoignons dans ce qui active leur attention et les mobilise. C’est à  nous de faire ce déplacement vers eux.
Ainsi chacun enfant et adulte entre dans ce jeu d’attention partagée, comme une danse dans laquelle chacun son tour vient se rejoindre, dans un partage d’intérêts et d’émotions.
 
 
 
Article rédigé par : Moni
Publié le 04 décembre 2022
Mis à jour le 04 décembre 2022