Le burn-out touche en silence. Par Monique Busquet

Psychomotricienne et formatrice petite enfance

Les professionnels concernés en parlent peu, et cela pour différentes raisons : la honte, le sentiment de faiblesse, la peur de ce que les autres vont penser, l’absence d’énergie pour s’exprimer, partager, expliquer… Le silence est peut-être encore plus fort quand le burn-out touche les assistantes maternelles : « Déjà que beaucoup pensent que ce n’est pas un vrai travail puisque nous sommes chez nous ! Alors en burn out... !? »

La solitude du métier, l’absence de relais, le manque d’espaces de paroles et de prise de recul amplifient et accélèrent d’autant l’isolement et le repli chez soi, le repli sur soi. Les burn-out, mêmes silencieux sont bien présents (des recueils de témoignages ou/et des recherches pourraient être intéressants à mener). Les deux ans de crise sanitaire, de peurs, de risques pour la santé de chacun, d’adaptations permanentes, d’absence de prévisibilité, de surcharge de travail ont amplifié le stress pour tous : les parents, les enfants, et les professionnels qui les accueillent…. Ceux-ci sont, pour nombre d’entre eux, particulièrement éprouvés. 

Le stress et l’usure professionnelle peuvent prendre différentes formes plus ou moins visibles et bruyantes : l’usure des corps, les douleurs musculaires et articulaires, les maladies physiques, ou/et les colères, ras le bol, plaintes et/ou le burn out. Rappelons que celui-ci est une vraie maladie, reconnue par l’OMS, qui touche particulièrement les professionnels du soin et de la relation. Ce n’est jamais un choix, ni un manque de volonté, ni un signe de fragilité, ni de la flemme. Au contraire le burn-out concerne les personnes les plus engagées, investies dans la relation à l’autre et le sens de leurs responsabilités. Il touche les personnes particulièrement soucieuses de bien faire, soucieuses de la qualité d’accueil qu’elles proposent. Les professionnelles toujours prêtes, prêtes à faire malgré les difficultés, prêtes à donner d’elles, prêtes à se remettre en question, à faire toujours plus. Prêtes à faire pour les autres, tant que ceux-ci ont besoin ou demandent. Prêtes à tout porter sur leurs épaules, sur un plan professionnel mais aussi bien souvent personnel. Le burn out touche donc les plus courageux et les plus exigeants avec eux-mêmes... La volonté ne peut rien y faire. Au contraire.

L’usure est progressive : fatigue, baisse d’énergie, remises en question, difficulté voire impossibilité à se reposer et à se ressourcer. Parfois les enfants sentent cet épuisement et tout devient encore plus compliqué... La spirale du stress continue : faire coûte que coûte, tenir bon, faire le dos rond, tenter de s’accrocher, pour les enfants, pour leurs parents. En vain, un jour, le corps dit stop. Il n'a plus aucune énergie, les batteries sont à zéro, réellement vides. Il n’y a pas le choix : s’arrêter.

 S’ensuivent alors un travail et des étapes incontournables :
- Chasser cette culpabilité, la dépasser, comprendre que vous n’y êtes pour rien
- Comprendre que ce n’est pas de la fragilité de votre part, au contraire
- Accepter de se faire aider  (médecin, psychologue)
- Tenter de faire comprendre la réalité du burn out, à son entourage qui bien souvent n’y croit pas non plus :  « Allez un effort, secoue toi ! » entend-on encore trop souvent !
- Accepter qu’il faut du temps, beaucoup de temps pour remettre les batteries en charge
- Accepter que les larmes sortent, signe de tout ce qui n’a pas assez été exprimé, pas entendu 
- Comprendre la nécessité de ce temps où il n’y a plus que soi qui compte ! Du temps pour que le corps quitte le mode "survie" dans lequel le système nerveux s’est mis et  pour retrouver un mode de fonctionnement  plus serein, plus tranquille.

Cette période est ensuite l’opportunité de faire un point et ne pas reprendre comme avant ! 
- Modifier ses pensées ses valeurs, ses représentations
- Mieux se connaître, accepter ses limites et ses possibles
- Modifier ses modes de relation, sa façon d’être en lien avec soi-même et les autres
- Vivre autrement ses responsabilités
- Modifier ses "obligations" : celles que l’on se donne à soi-même
- Redéfinir ses priorités
C’est parfois l’occasion d’une reconversion professionnelle ou d’une autre façon d’exercer son métier. 

Parler du burn out, prévenir le burn out : c’est sans doute pour tout le secteur de la petite enfance une nécessité impérieuse aujourd’hui !
Une nécessité de se soutenir mutuellement, de créer et trouver des espaces pour parler, écouter, rencontrer d’autres, exprimer ses questions, ses ressentis et émotions. 
Une nécessité de trouver des lieux et des liens ressources :
- Pour faire avec les tensions si douloureuses du fait du décalage grandissant entre la connaissance de plus en plus grande des besoins des enfants, la conscience de ses responsabilités, et le manque de moyens suffisants pour y répondre.
- Pour faire avec cette conscience et exigence de qualité d’accueil, 
- Pour faire chacun au mieux, sans s’épuiser dans des culpabilités individuelles.
- Pour trouver comment agir individuellement et collectivement, chacun de sa place, pour faire évoluer les choses !

Et pour continuer, ensemble, dans un travail "suffisamment bon" !

Un grand merci à N. assistante maternelle qui s’est épuisée dans son métier et qui a eu le courage de me contacter pour en parler. 
Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 22 avril 2022
Mis à jour le 25 avril 2022