Le soir : le temps des retrouvailles. Par Monique Busquet

Psychomotricienne

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enfant pas content
Le matin, l’accueil de l’enfant peut être difficile, parents et enfants peuvent avoir du mal à se quitter. Certains enfants pleurent lorsque leurs parents partent, parfois leurs pleurs cessent dès  que leurs parents sont partis et ils passent ensuite une bonne journée.

Et le soir, que se passe-t-il ? Ce moment des retrouvailles est également un moment délicat, parfois même éprouvant. Certains enfants semblent se transformer : ils s’agitent et n’écoutent plus rien.
C’est pour les enfants une seconde séparation. Voir et retrouver leurs parents le soir vient réactiver la séparation du matin. Ils ont déjà dû faire l’effort le matin de se séparer, puis de supporter l’absence, ils ont pu dépasser leur tristesse ou colère pour jouer et entrer en relation avec enfants et adultes. C’est un vrai travail psychique et émotionnel.

C’est pourquoi certains enfants vont reprendre leurs pleurs du matin. Ces pleurs s’adressaient le matin à leurs parents, ils n’avaient plus de raison d’être en leur absence et les enfants avaient pu jouer durant la journée, comme s’ils oubliaient leurs chagrins ou leurs peurs. Mais l’émotion et les pleurs réapparaissent le soir à la vue des parents, après avoir été suspendus, mis entre parenthèses, parce que c’est à ses parents que l’enfant souhaite confier sa tristesse et non aux professionnelles.

D’autres enfants ne veulent plus repartir ; arrêter le temps du jeu peut également être compliqué. Effectivement il profite avec plaisir de son temps d’accueil, dans un lieu de jeux en général plutôt adapté et riche. Il est dans un temps libre et parfois il sait déjà peut être que le temps du soir sera, selon les contraintes horaires de leurs parents, un temps moins libre. Retrouver ses parents, rentrer à la maison s’accompagnent du plaisir de se retrouver, de partager un temps ensemble mais peut être aussi un temps « contraint » (bain, repas, coucher) un peu trop rapide et où chacun, grand et petit est fatigué.

D’autres enfants encore s’agitent, n’écoutent pas, se mettent à faire des bêtises, ou deviennent agressifs avec les autres.

Ce temps de retrouvailles de fin de journée est surtout un temps de transition dans lequel l’enfant est « comme » entre deux adultes, et du coup  peut être ni avec l’un ni avec l’autre.
En effet le parent confie le matin son enfant à un ou des professionnels pour la journée; il passe  le relais comme s’il donnait un témoin. Le parent délègue pour quelques heures, une partie de ses fonctions de « soin », de  protection et donc d’autorité.
L’enfant vit sa journée dans le lieu du professionnel, il y expérimente qu’il peut compter sur cet adulte bienveillant, attentif, qui prend soin de lui, le nourrit le, protège et lui pose des interdits et des limites. L’enfant apprend les façons de faire ces professionnels, il y respecte les codes, les règles.
Lorsque le parent arrive le soir, les professionnels ont souvent tendance à vite s’effacer, comme si spontanément, en présence du parent, le professionnel pense qu’il n’aurait plus à garder les mêmes modes de relation avec l’enfant ; il laisse sa place auprès de l’enfant pour respecter le parent. Le professionnel se met en recul, s’éloigne de l’enfant, il ne s’autorise plus à être celui qui fait attention à l’enfant, il est moins en lien avec lui. Le professionnel attend donc entre autres que le parent fasse respecter ses règles, qu’il reprenne l’autorité, sache dire non à son enfant et il s’étonne de voir les difficultés que le parent a à se faire respecter.
Mais le parent est encore dans le territoire des professionnels (domicile ou crèche). Il ne peut donc être lui-même. Il ne peut reprendre son rôle d’autorité pour faire respecter des règles qui ne sont pas les siennes, qui ne dépendent pas de lui. Il ne le reprendra qu’à l’extérieur de ce territoire,
A l’intérieur du lieu d’accueil, c’est le professionnel qui est responsable de l’enfant, sur un plan juridique  en premier lieu et aussi  symboliquement. Sinon l’enfant est comme dans le vide, alors il s’agite, il tourbillonne, explose et  fait des bêtises...
Il a besoin de retrouver qui lui « donne la main », qui le tient et contient encore, qui est en lien et responsable de lui.

L’enfant a vraiment besoin que le professionnel l’accompagne à retrouver son parent jusqu’à son départ.
Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 30 novembre 2017
Mis à jour le 01 décembre 2017