Pratiques éducatives d’hier et d’aujourd’hui. Par Monique Busquet

Psychomotricienne, formatrice petite enfance

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enfant triste
Comment accompagner les enfants à grandir en respectant les autres ? Comment les amener à ne pas taper, pousser, mordre, « embêter » ? Comment réagir devant leurs comportements d’agressivité ?  Ce sont des questions de fond pour tout professionnel (comme pour tout parent).

Dans les pratiques éducatives, il a longtemps été recommandé et fréquent de « remordre un enfant qui avait mordu pour qu’il comprenne que cela fait mal, et qu’il ne fallait pas le faire ! », de « donner une fessée ou une tape à un enfant qui fait une « bêtise ». Il s’agissait alors de faire vivre du désagréable à l’enfant (c’est l’objectif des punitions) pour qu’il comprenne qu’il a fait quelque chose de « mal » et de désagréable pour les autres et pour qu’il comprenne qu’il ne faut pas. C’était un peu le principe de « œil pour œil, dent pour dent ».

Même si heureusement aujourd’hui ces pratiques disparaissent, les tentations de  « mises au coin », « à l’écart »,  voire de « chaises du puni »  restent présentes, même dans la petite enfance, et cela souvent par méconnaissance, par habitude ou par impuissance de trouver d’autres façons de faire.
Pour l’ensemble des professionnels de l’accueil, ces questions restent un sujet épineux d’interrogations et de discussions. Et les freins pour changer de regards et de pratiques sont encore forts. J’entends encore souvent « « on ne va quand même pas lui faire un câlin quand il a mordu ? » , « quand même certains enfants sont vraiment méchants ».

Alors je vous partage ici quelques notions et repères que je travaille régulièrement en formation.

- L’intensité des ressentis et des émotions déclenche des comportements impulsifs, que le tout petit ne choisit pas et ne peut réguler, freiner, retenir.
- Les comportements d’agressivité au cours du développement du jeune enfant, ont toujours des raisons légitimes (sentiments d’insécurité, de tensions, stress, inconfort, besoins pas assez satisfaits, désirs d’exploration et de conquête souvent « impérieux ».
Le pédiatre D. Winnicott a su montrer l’importance de l’illusion de toute-puissance, dans les premières semaines de vie du bébé et la nécessité d’une « désillusion progressive de cette toute-puissance ».  L’enfant a, de façon tout à fait saine et normale, envie d’agir et d’avoir « tout de suite », « ce qu’il veut, comme il veut ».  Devoir attendre, partager, résister, différer son plaisir, réguler ses émotions, sera un long apprentissage. Au fond, ce n’est pas toujours si simple non plus lorsque nous sommes adultes…

Le tout petit a absolument besoin de l’adulte, de son écoute, de sa compréhension, de sa présence, de son attention, pour pouvoir « digérer » ses émotions, les transformer et s’apaiser. Il a besoin d’entendre de façon claire et répétée, les interdits de « faire mal, de déranger, d’embêter » et d’expérimenter les limites de façon claire.
Il a donc besoin
- de sentir que l’adulte est stable et solide, pour le contenir, protéger les autres et lui-même de ses volcans explosifs…
- d’être rassuré lorsqu’il ne peut encore retenir son impulsivité,
- d’être accompagné pour trouver progressivement d’autres façons de faire, d’interagir, de communiquer, lorsqu’il y a frustration et obstacle à ses désirs, ses besoins, ses envies.
- de sentir l’attention bienveillante de l’adulte, la continuité de son regard, sa compréhension qu’il est encore un tout petit, débordé par ses émotions et sa vitalité.
-de sentir que l’adulte ne lui reproche pas d’être encore un jeune enfant, qu’il sait distinguer ce qu’il fait et ce qu’il est.

Mais bien souvent, nous sommes aussi nous adultes soumis à nos émotions, nos stress et fatigues et nous réagissons alors avec plus ou moins d’impulsivité, par peur, par impuissance (à protéger les autres). Ainsi la colère risque de monter contre cet enfant et amener des réponses inadaptées et inutiles. Les enfants risquent alors d’être isolés, éloignés des autres enfants et parfois même des adultes.

Il paraît donc nécessaire de régulièrement s’interroger sur le sens et l’intention de nos réponses.
L’enfant est-il alors séparé des autres
- car c’est la seule solution trouvée pour protéger les autres enfants
- dans l’objectif qu’il s’apaise et se calme  
- pour les protéger de l’énervement de l’adulte qui a peur d’être débordé lui-même
- par habitudes de pratiques éducatives et avec l’objectif de faire vivre à l’enfant du « désagréable » ?

Or nous sommes des modèles pour les enfants. Ils enregistrent et s’imprègnent de nos façons de faire.  Les enfants parleront la langue qu’ils ont entendu, prendront les mimiques, les gestes, les habitudes de leur entourage, leurs modes de réactions et de relations, (tout au moins partiellement). Les enfants perçoivent également nos intentions au-delà de nos actions, gestes et paroles.

Alors que parait-il souhaitable de leur transmettre ?
Que l’adulte, lorsqu’il n’est pas content, aurait le droit de « vouloir faire vivre du désagréable à l’enfant, de couper la relation, de se mettre en colère »?
Ou souhaitons-nous lui transmettre l’importance de rester suffisamment bienveillant et disponible, de comprendre le bouillonnement des émotions, de communiquer de façon le plus apaisée possible, de respecter l’autre dans ce qu’il ressent, tout en sachant mettre ses limites de façon solide ?





 
Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 02 mars 2023
Mis à jour le 02 mars 2023