COVID-19 et assistantes maternelles : de bonnes et de mauvaises surprises. Par Nadège R

Assistante maternelle

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maman dit aurevoir à son enfant et sanounou
C'est avec stupeur que j'ai pu lire des témoignages d'assistantes maternelles pendant et après le confinement. Forums, pages Facebook, je ne comptais plus les commentaires d'ass mat déçues, blessées ou en colère. En effet bon nombre de "nounous" ont découvert parfois de mauvaises surprises :  licenciement, jugements hâtifs de leurs employeurs, méconnaissance du métier et des protocoles. J'ai recueilli récemment divers témoignages de plusieurs assistantes maternelles. Mon idée étant, avec un peu de recul, de constater quels effets cette crise a eu sur notre vision de ce métier.

Il y a heureusement beaucoup de témoignages positifs et j'ai vraiment envie ici de me raccrocher à ça : des employeurs, en très grand nombre, ont tout d'abord trouvé normal de continuer à rémunérer à 100% leur salarié(e)s.  Bon nombre de nounous ont tenu en commentaires à manifester leur reconnaissance à ces parents employeurs qui ont payé 100% de leurs salaires à leur nounou, soit en utilisant l'indemnisation partielle et en le complétant à hauteur de 20% soit en faisant une déclaration pajemploi classique. Pour ceux qui n'ont pas pu, souvent, ils étaient eux- mêmes en chômage partiel sans rémunération totale.
"J'estime avoir eu beaucoup de chance par rapport à certaines collègues, sur les 3 parents avec lesquels je travaille, un seul m'a mis en chômage partiel mais toujours avec le complément.  Ils m'ont tous dit que c'était normal vu qu’eux aussi bénéficiaient de ce "traitement de faveur". Pendant le confinement nous avons échangé mails, visioconférences pour ne pas perdre le lien (...) La reprise s'est très bien passée, ayant pris soin auparavant de discuter avec eux des nouvelles mesures qui ont étés mises en place"
"Je me sens plus que jamais valorisée dans mon métier et la relation de confiance mutuelle n'a jamais été aussi forte !"

Pour ma part, puisqu'il s'agit ici de témoigner, j'ai eu aussi un retour plutôt positif. Tous se sont inquiétés pour l'avenir de la MAM et ont tenu plus que jamais à nous soutenir en nous versant, même via le chômage partiel, la totalité de notre salaire ! Perdant déjà les indemnités entretien + le loyer de la MAM, une perte de salaire de 20% par contrat aurait mené la MAM à sa perte. Un seul parent s'est détourné de nous et le contrat a été rompu.

Beaucoup d'assistantes maternelles ont aussi eu le sentiment que la crise a été positive dans le sens où elles ont découvert des employeurs admiratifs, respectueux de leur santé (en n'amenant pas les enfants en garde quand ils le pouvaient ou en respectant les gestes barrières si la garde avait toujours lieu).

Hélas,  pour certaines la révélation a été amère. Plusieurs sont déçues, blessées de l'attitude de leurs employeurs : mise en indemnité partielle sans en être avertie, perte de revenus, licenciement parfois. Avec des phrases chocs comme "vous avez été payé à ne rien faire" (ce qui fait mal sachant que ne complétant pas le salaire c'est l'état qui a donné les 80%). Certains parents ont "profité " de la crise pour faire des économies (en utilisant l'indemnisation partielle sans payer les 20% alors qu’eux- mêmes étaient payés à 100%). Certains n'ont donc pas du tout eu de frais de garde pendant 3 mois.
La mésentente a engendré un conflit dans la relation employé/employeur, et ce, même en MAM.
" J'ai été licenciée par 1 parent qui ne comprenait pas devoir me payer alors que je ne travaillais pas. Je me suis sentie en "sous" catégorie d'avoir été payée à 80% par 2 de mes PE alors que mes 2 autres collègues MAM ont, elles, été payées à 100 % par leurs PE".
"Les tensions déjà existantes avec une famille se sont exacerbées au deconfinement"

Les conflits venaient parfois d'ailleurs de la garde en elle -même, pendant ou après le confinement. En effet, difficile parfois de plaire aux divers employeurs quand l'un réclame une hygiène à l'extrême, distanciation et port du masque, et quand d’autres, eux, ne voulaient pas de ça pour leurs enfants.
"Manque de reconnaissance des parents au sujet des protocoles sanitaires à mettre en place" est un terme souvent revenu dans les témoignages. L'une d'elle m'a même dit "une maman m'a dit que ça ne servait à rien toutes ces précautions qui nous étaient demandées, que c'était juste une grosse grippe".
Il a fallu composer entre les désirs de l'un, les peurs de l'autre et la propre vision de tout ça de l'assistante maternelle en question.

Souvent, aucun appui de la PMI. Ce sujet a porté à discorde, pourtant dans bon nombre de commentaires, la déception fut palpable dans notre corps de métier : PMI absentes, envolées, ne répondant plus au téléphone. Des assistantes maternelles parfois perdues qui avaient besoin de conseils mais qui ont dû se débrouiller par elles-mêmes. Des masques reçus 3 semaines après le de confinement et j'en passe.

Comment se sentir professionnel(le)s quand on se retrouve ainsi, seule, sans appui, avec divers employeurs et des infos contradictoires ?  Comment se sentir considéré quand un parent, que vous appréciez énormément, vous rétorque froidement que vous avez été payé à ne rien faire ?

La compréhension entre le parent, sûr de son bon droit, et l'assistante maternelle, qui a besoin de son salaire pour pouvoir vivre décemment, est devenue difficile.  Ces conflits ont souvent entraîné des licenciements : "vu qu'il entre à l'école en septembre, je ne vous le remettrai pas"
Les assistantes maternelles pour qui ces déboires ont été légion, en arrivent à ne plus vouloir exercer ce métier.
"Je songe à tout arrêter.  20 ans de métier je suis fatiguée de ne rien représenter aux yeux des autres"
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"La période covid a été très délicate pour moi à un point tel où je pense arrêter mon métier…trop déçue…"

Il y a eu un avant coronavirus dans notre métier et un après coronavirus. Beaucoup commencent à chercher à se reconvertir, déçues de la profession et du peu de considération des autorités et de certains de leurs employeurs.
 
Article rédigé par : Nadège R
Publié le 14 juillet 2020
Mis à jour le 14 juillet 2020