Non aux méthodes toutes faites ! Par Nadège R

Assistante maternelle

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enfant avec jeu Montessori
J'ai toujours détesté donner un nom à ce que je pratique. Cette manie d'étiqueter tous nos faits et gestes ne m'a jamais intéressée.  Pourtant quand des parents en visite franchissent la porte de la MAM en nous disant : « vous pratiquez la méthode Montessori ? », Il me serait aisé de leur répondre ce qu'ils ont envie d'entendre. Mais ce ne serait pas moi. Donc je les regarde dans le blanc des yeux et je réponds tout simplement : « non ».

Je ne pratique pas de méthode. Je ne suis aucune pratique, aucun courant. Cela ne signifie pas que je ne les pratique pas au fond mais je n'en ai pas fait mon principe éducatif. Encore moins à la MAM.
Cette attente parfois est extrêmement pénible : le parent croit-il vraiment que parce que l'assistante maternelle lui a répondu oui, elle va être la perle parfaite à laquelle ils s'attendent ? Moi je dis : pas forcément.

Moi je pratique MA méthode : c'est à dire le « feeling ». Je crois en moi, en ma capacité à bien m'occuper des enfants, à les comprendre. Je crois en MOI. Je pratique donc à l'instinct.
Je lis énormément d'articles sur les différentes méthodes car malgré tout cela m'intéresse bien sûr ! Mais je lis, je lis, encore et encore. Je compare dans ma tête, je retiens certaines choses.  Et bien souvent je me dis : « c'est marrant je le faisais déjà ça ! »et pourtant je ne connaissais même pas ce courant éducatif.  Comme quoi c’est souvent du bon sens.

Ne me collez pas d'étiquettes Montessori, éducation bienveillante, positive ...Je suis un mixte de mon expérience, de mes lectures et de ces pratiques.
Votre enfant n'en sera pas plus malheureux chez nous. Ici on laisse libre cours à l'autonomie. Que je pratique beaucoup avec mon fils d'ailleurs.

Je suis maman. Je pratique le laisser- aller contrôlé : mon fils explore tout ...mais avec mon appui derrière, mon regard et mon sourire. Le portage affectif par le regard et les sourires est la clef de ma façon de faire. Mais dans certaines limites bien sûr. Je le laisse tout essayer. Parfois, c'est fatiguant car je perds du temps dans mes tâches quotidiennes mais je veux qu'il ait confiance en lui. On a passé mon enfance à me dire que je n'étais pas capable de ceci ou de cela. Je ne veux pas lui infliger la même chose. Car pendant trop longtemps j'ai été une adulte introvertie, qui manquait de confiance en elle.
Avec mon fils, je relativise, je me demande si c'est grave qu'il fasse telle ou telle chose seul et si la réponse est non, alors allons -y. Bien sûr parfois je suis fatiguée, je n’ai pas le cœur à ça, pas la patience ...Alors je lui dis non. Il peut mal le prendre du coup mais je lui explique que ce sera pour la prochaine fois.

 Attention le laisser-aller ne signifie en rien laxisme ! Pas du tout. Les limites sont connues de l'enfant et respectées. Il y a un cadre propre à chacun avec ses propres règles.  Je tolère énormément je suis très patiente mais hors de question pour moi qu'il parle mal, qu'il me crie dessus.Il le sait très bien. Il me fait confiance il sait qu'il pourra essayer de couper lui-même cet aliment, de mettre ça au lave-vaisselle, de fermer lui -même la porte. S'il respecte mes consignes il sait que beaucoup de choses lui seront ouvertes. Et j'ai de la chance car ça fonctionne. Il est patient et respectueux. Heureux d'essayer.
Moi j'étais une enfant affolée par tout ce qui était nouveau pour moi. J'étais sûre de ne jamais y arriver comme on me l'avait trop souvent répétée.  Alors je dis souvent à mon fils : « je sais que tu peux le faire. Mais si tu n'y arrives pas je peux t'aider ou bien tu le referas seul plus tard. » Je ne le laisse pas sur un échec : je lui parle énormément.  Je mets des choses en œuvre pour qu'il m'aide au quotidien :  il trie le linge, cuisine avec moi, met les couverts, jardine etc...
Non je ne le laisse pas tout faire, je ne suis pas folle ou mère indigne ou laxiste. Ni trop bienveillante. Mais dans la mesure du possible je me pose les bonnes questions. Souvent il veut cuisiner avec moi. Hors de question pour moi qu'il utilise un couteau même si je suis à côté.  Pour moi ce n'est pas envisageable, je ne me sens pas sereine (ça n'engage que moi) alors pour qu'il ne soit pas déçu, je lui donne quelque chose qu'il peut couper facilement avec son petit couteau à lui (du beurre, des knacky...d'ailleurs souvent je lui donne une knacky même si je prépare autre chose mais il est tellement content).
L'autre jour il m'a demandé de conduire. Je lui ai dit que ce n'était pas possible qu'il était trop petit. Dans sa logique d'enfant il me répond : « mais maman je suis grand tu sais que je peux tout faire ». J'ai souri. « Oui mon cœur mais là, c’est interdit par la loi et trop dangereux. Je n'ai pas le droit de te laisser conduire ». Il était déçu :  c'est logique mais c'était ainsi.

Dans ma méthode à moi je prends en considération aussi mon envie et ma patience. Il y a des jours où on est à bout et où on n’a pas le temps et les méthodes que nous voyons partout nous font presque culpabiliser. Moi même si je culpabilise toujours un peu, si j'ai dit non parce que je ne peux pas sur le coup, et bien c'est comme ça. Je dois aussi penser à moi. En tant que parent, nous ressentons trop de la pression de ces méthodes que l'on lit partout : il ne faut pas faire un enfant roi mais être bienveillant calme. Mais une fois qu'on a compris que c'est impossible de l'être tout le temps croyez-moi ça va déjà mieux. Parfois vous allez crier. Pleurer de nerfs. Ce n'est pas grave. Votre enfant apprend aussi comme cela : il apprend que ses parents ne sont pas parfaits et que parfois il doit aussi s'adapter.

Au final pour mon enfant, il essaie avec envie, et quand il a peur je ne le juge jamais et j'ai horreur qu'on le juge. Je veux qu'il apprenne en essayant tout. Et pourtant je suis maman-poule, croyez-moi. Mais je me fais violence, par contre je ne le laisse jamais essayer quelque chose seul. Il est toujours accompagné de mon regard. Le portage visuel : il se retourne, me voit. Je lui souris. Et là, il essaie. Il réussit, il est ultra fier et je le félicite. Il échoue, je lui dis « tu veux recommencer ? » et je le laisse choisir.
J'aurai aimé que l'on m'accompagne ainsi enfant. Je ne demande pas à avoir été élevé en mode Montessori, bienveillance ou autre. Non.  Pour moi les maîtres mots c’est : Autonomie/ Respect/ Amour/ Sourire/ Cadre/ Règles/ Partages/ Expériences.
Alors appelez- ça comme vous le voulez. Mais je pense être une bonne maman même si j'essuie parfois des critiques de ma famille.

Je pense aussi être une bonne nounou. Chez nous, les enfants s'amusent, essaient, escaladent, rampent sautent et courent. Mais toujours dans un cadre sécurisant. On ne contrôle pas leur geste en peinture, ils collent la gommette ou ils veulent (on leur explique une fois mais souvent ils la collent sur la gommette d’avant). Bref ils sont heureux parce qu'ils explorent !
Moi en tant que maman, entendre mon assistante maternelle me dire « ici il va explorer le monde et ses possibles mais il y aura des règles et un cadre » et bien là, pour moi, j'aurai trouvé ce que je recherche.

Mais nous sommes parfois aussi jugées par des personnes de notre profession. Récemment nous avons fait un vide MAM en vue des travaux. Des petits prix sur le matériel que l'on va changer. Une assistante maternelle qui allait ouvrir une MAM, nouvelle dans le métier, a osé me dire : « Ah, vous avez des transats ? Nous on n’en aura pas car ce sera une MAM Montessori ! »
Déjà, je n’ai pas apprécié la remarque : je rêvais de lui répondre : « quand tu auras des bébés avec des RGO ou qui régurgitent à chaque repas, et que le parent et son médecin te demandent clairement de le mettre en position transat le temps qu'il digère un peu après le repas, car il est en sous -poids, ben t'auras pas le choix, faudra bien l'installer quelque part. »
Avoir un transat ne signifie pas qu'un bébé va y passer sa journée. Mais lors d'une activité peinture avec les grands, ou musique, quand le bébé est encore trop petit, il est agréable pour lui d'être à nos côtés, dans son transat ou une chaise haute adapté, un petit quart d'heure avec un jouet, à regarder faire les plus grands s'il le souhaite.
Bien- sûr chacun son avis, mais il est important de respecter aussi l'expérience des autres. Une année nous avons eu 3 bébés qui régurgitaient énormément. Pour qu'ils ne vomissent pas tout leur repas à chaque fois il nous a été demandé de les installer en transat ou chaise haute inclinable pendant 20 à 30 minutes après. Nous avons dû nous adapter. Un parent est venu visiter (juste après le repas des bébés) notre MAM. Sa première réaction a été de nous dire qu'il ne voulait pas de transat pour son bébé car il a vu les nôtres dedans. Nous avons eu beau lui expliquer pourquoi ces bébés étaient dans un transat, le parent n'a rien voulu savoir et nous a dit non car il était pour la motricité libre et Montessori. C'était extrêmement blessant car notre MAM est basé sur le principe justement où nous laissons le bébé libre de ses mouvements, au sol dans la pièce de vie, avec nous. Nous utilisions les transats pour être au sol avec eux après le repas vu que nous n'avions pas le choix. Les autres bébés n'ayant pas de reflux étaient eux au sol.
Mais voilà malgré une explication fondée nous avons été étiquetées sans nulle autre forme de procès.

Bref les étiquettes je n'aime pas. Ce métier n'est pas fait pour porter une étiquette. Une assistante maternelle vaut mieux qu'une simple méthode. Elle doit analyser seule ce qu'elle a lu, en prendre et en laisser et se construire sa méthode, son expérience, son jugement. Et là, vous aurez trouvé la perle ! Ne soyons pas Montessori, bienveillant, positif ou autre. Soyons respectueux de l'enfant, et accompagnant. Soyons juste et souple. Soyons sécurisant et aimant.

 
Article rédigé par : Nadège R
Publié le 01 juin 2020
Mis à jour le 01 juin 2020