Tu comprendras plus tard ! Par Nathan A

Assistant maternel

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deuxw enfants étonnés
L’autre jour, j'écoutais une chanson de Big Flo & Oli : Plus tard. Une balade légère enveloppant un texte à l’image du duo : plein de tendresse. Mais mine de rien, le genre de petit texte qui allume la lanterne de votre conscience. Pour vous résumer, les deux garçons mettent bout à bout un certain nombre de conseils donnés par des parents forts de leur représentation et de leur savoir d’adulte. Et maintenant adultes, eux s’interrogent sur ce qu'il reste de ces moments où on leur demandait de ne pas poser de questions : tu comprendras plus tard.

Souvent les parents des enfants que j’accueille me questionnent, s'interrogent sur ce qu'ils peuvent répondre (ou pas), ce qu'ils doivent dire (ou pas), la manière, la façon etc. Comment en tant que professionnel de la petite enfance se positionner ? Derrière tout ça, l’enjeu est de se demander comment un enfant peut se construire s'il reste avec des questions sans réponse, ou des brides partielles à reconstituer au fur et à mesure ? C'est vrai ça : en dit-on assez ? Trop ? Et surtout dans quel intérêt le fait-on ?
Évidemment, chacun a la réponse, chacun a sa réponse. Des intérêts d’adultes aux réponses souvent guidées par des lieux communs, comme certains interdits posés juste pour notre " confort ”. L’esquive avant tout car de toute façon, on peut bien leur raconter n'importe quoi, ce sont des enfants. Un peu comme il y a quelques années quand un bébé n’était qu’un tube digestif. Crocheter, raffuter voire botter en touche, l'enfant passera bien à autre chose. Des (non) réponses toutes faites qui rebondiront en écho quelques années plus tard. Loucher bloquerait les yeux, un bisou qui guérit les bobos ou la lave qui encercle un passage piéton c’est plutôt gentillet.

 Et arrive le fameux " comment on fait les bébés ”. Et là notre vie bascule. On peut trouver autant de réponses qu'il y aura de familles. Autant de réponses qu'il y aura d’adultes qui se sont construits avec leur histoire. Cette question où chaque parent prépare sa réponse. Où nous avons tous déjà un dossier bien ficelé à sortir le cas échéant. Certains se souviendront d'une publicité mettant en scène une fillette dans un monologue avec son papa " dis papa, c’est quoi cette bouteille de lait ? " Et finalement ça tombe entre le fromage et le dessert comme un cheveu sur la soupe. L’alerte rouge qui conduit à la panique, au crash industriel au bout de 5 mots. Une vague de transpiration qui conduit parfois aux pires âneries à dire à ce moment-là parce c'est le premier mot qui sort dans la précipitation. Ce jour- là c'était au milieu d'une file interminable à la caisse de mon supermarché. Ce jour- là j'ai même entendu des parents murmurer à l'oreille de leur progéniture de poussiéreuses histoires végétales qui feraient vomir un vegan. Oui sans être veggie je trouve qu’on sous-estime encore la douleur que peut ressentir un chou en accouchant. J’ai quand même frôlé la crise cardiaque, j'en avais presque mal dans le bras, assis au volant quelques minutes plus tard. Car évidemment c'est la question piège par excellence. Et pourtant elle ne devrait pas l’être. L’enfant attend une réponse simple à une question qu'il juge claire. Et même une réponse claire à une question qu'il juge simple. C’est vrai papa c'est quoi cette bouteille de lait ? D’autant plus qu’a priori s'il la pose c'est qu'il est la preuve vivante que ses parents ne sont pas ignares.

Nous sous-estimons (in)volontairement la portée de ce que nous disons à nos têtes blondes. Et souvent nous sous-estimons nos silences et nos esquives. Alors que l’enjeu est si important. Dans sa construction d'enfant, d’adolescent et d’adulte, sa conception des choses, sa représentation du monde, son intelligence, sa rhétorique. Non il ne comprendra pas plus tard car c'est à l’instant où il pose la question qu'il a besoin de la réponse. D’une réponse venant pour lui de la personne en qui il place sa confiance. S'il pose une question c'est qu'il est assez mûr pour entendre une réponse correspondante. Alors n’oublions pas de la lui donner même si dans l’absolu, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses (dépoussiérer quand même le concept potager de leur naissance).

 
Article rédigé par : Nathan A
Publié le 05 avril 2021
Mis à jour le 25 octobre 2021