Le virage du « care ». Par Pierre Moisset

Sociologue, consultant petite enfance

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femme donne à manger à un bébé
Le phénomène est bien connu et j’ai déjà eu l’occasion - parmi bien d’autres - de me prononcer à ce sujet : la profession d’assistant maternel est en « crise ». Le recours parental à ce mode d’accueil diminue et le nombre d’assistants maternels est en baisse, avec un vieillissement de la population et des difficultés de renouvellement.
On parle de manque d’attractivité du métier, de défaut de visibilité, de reconnaissance… C’est sûrement vrai, et ce malgré l’amélioration de la formation initiale depuis le décret de 2005, malgré l’augmentation de l’offre d’accompagnement par les RAM1. Revenons rapidement sur ce phénomène.     

Entre 2010 et 2014, si on raisonne par grandes tranches d’âge, les assistants maternels de moins de 44 ans (qui représentent 44% de l’ensemble des professionnels en 2010) diminuent de 5% environ, tandis que les assistants maternels de plus de 45 ans augmentent de 10% entre les deux dates. Ce vieillissement de la population a plusieurs raisons. Premièrement, un manque de renouvellement. On observe ainsi une baisse des demandes de nouveaux agréments (les entrées dans la profession) : -13,7% entre 2013 et 2014. Mais on observe également une baisse du maintien dans la profession, c’est ce que nous indique la baisse des demandes d’agréments en général qui comprennent les nouveaux agréments et les renouvellements d’agrément, valables tous les 5 ans pour les assistants maternels : -12 ;2% entre 2013 et 2014. Au final, le métier attire moins, le métier retient moins.

Manque de reconnaissance, de visibilité ? Oui, et en même temps j’y vois ce que l’on peut appeler un « virage du care ».
C’est à dire que, jusqu’à récemment, les différents gouvernements ont trouvé facilement, pour répondre à un besoin de main d’œuvre dans le « care », ne serait-ce que le soin aux jeunes enfants et enfants (en petite enfance et protection de l’enfance) un « stock » de femmes prêtes à « reconvertir » leurs expériences et contraintes familiales en activité professionnelle au prix d’une rapide formation. Assistants maternels et familiaux étaient des « invisibles » bien utiles en petite enfance et protection de l’enfance, assurant l’essentiel de l’offre d’accueil (pour la petite enfance) tout en étant peu considérés.

Mais cette époque semble prendre fin. Pourquoi ? Cela reste à éclaircir. Peut-être parce que le « stock » de femmes peu formées et prêtes à s’engager à bas bruit dans ces professions exigeantes de la care avec de faibles revendications salariales et de reconnaissance est en baisse. Peut-être parce que, avec les efforts récents de professionnalisation, la « naturalisation » du care des femmes dans un cadre domestique est moins possible.

Quoiqu’il en soit, et c’est à souhaiter, le « care » se détacherait des femmes et du domestique. Idéalement pour prendre un virage et être considéré comme un moyen d’investissement social de premier ordre, mené par des femmes et des hommes engagés, formés et accompagnés.


1 Le HCFEA note dans son rapport de 2018 qu’entre 2013 et 2015, les postes d’animateurs de RAM en équivalent temps plein ont augmenté de +13,5%.
Article rédigé par : Pierre Moisset
Publié le 19 février 2019
Mis à jour le 20 février 2019