« Un parent tout seul ça n’existe pas » Par Sophie Marinopoulos

Psychologue-psychanalyste

Maman avec une professionnelle de la petite enfance
Qui n’a pas une fois dans sa vie de professionnel entendu lors d’un colloque ou d’une formation la célèbre phrase Winnicottienne « un bébé tout seul ça n’existe pas » ? Enonciation ô combien signifiante du célèbre pédiatre psychanalyste D.W Winnicott qui écrivait pour le plus grand nombre, afin de transmettre son regard si juste sur les enfants. Conscient qu’un bébé avait besoin d’une personne disponible et capable de « holding », il a su décrire et transmettre sa conception particulière du portage dans sa dimension physique et psychique. Le holding est autant une affaire de bras que de pensée pourrions-nous dire. Penser le bébé c’est prévenir ses besoins, les interpréter et pouvoir y répondre au mieux. Dans cette droite ligne je voudrai proposer de poser notre regard cette fois, sur les parents du bébé, du jeune enfant.
Les parents ont besoin eux aussi de holding, de pensées qui les accompagnent dans leur rôle de parents. De pensées qui les soutiennent quand le besoin se fait sentir. Pour être dans un holding de qualité le parent est en attente d’un holding du holding (Allione)- c’est-à-dire qu’il a besoin de professionnels sur lesquels il peut prendre appui pour que lui-même à son tour puisse proposer un portage de qualité à son enfant. Bien porté le parent permet à celui-ci de bien porter son enfant (le holding du holding). Prendre appui est ce qui forge l’ancrage parental, ce qui donne le sentiment d’être accompagnés et crée de l’assurance.
Depuis la nuit des temps le parent a besoin d’un interlocuteur à ses côtés. Pendant des décennies la famille élargie a joué ce rôle de guide, offrant aux parents sa présence. Ce dernier pouvait alors dans des mouvements d’adhésion aux conseils reçus ou au contraire d’opposition, s’affirmer dans son statut de parent. Mais notre société en perpétuel changement, voit la famille particulièrement bousculée. La famille se disperse, s’individualise et perd sa constitution groupale. Parmi les conséquences nous repérons une inflation non négligeable du sentiment de solitude parental qui fragilise le parent naissant. Seul, pris parfois dans un sentiment d’inexpérience pour l’enfant qui vient de naitre (un 2 ème, 3 ème enfant reste toujours un nouvel enfant) il cherche des liens de parole, des moments de partage afin de mettre à l’œuvre des mouvements d’identification et de contre identification.
Dans cette époque qui a réduit considérablement les temps de parole, d’échange (temps dit de déliaison),  le professionnel de l’enfance que ce soit l’assistante maternelle, la puéricultrice, le médecin de PMI, l’éducatrice de jeune enfant, la directrice de la crèche…. tous jouent un rôle fondamental dans la construction du parent. Ils sont des interlocuteurs qui humanisent ce que ces mères et pères vivent. Humaniser c’est donner du temps aux mots, c’est accepter de prendre le temps d’échanger dans les moments clés de la journée. C’est évoquer cet enfant dans les liens qu’il a créé avec lui-même au regard de ses progrès, et, avec les autres dans sa capacité à entrer en relation avec eux, de jouer, de reconnaitre son environnement et de l’appréhender.
Entendre parler de son enfant par un autre adulte en situation professionnelle, permet aux parents d’entendre que leur enfant est « un parmi les autres » selon l’expression du psychanalyste Jean-Pierre Lebrun. Par cette formule il insiste sur la nécessité pour l’enfant que le collectif prévale sur l’individu, soit que le groupe accueille l’enfant comme un sujet qui participe à la dynamique collective. Là, la socialisation prend corps. Socialiser l’enfant commence par le parler en dehors de la sphère familiale. Il n’est pas que le prolongement de son parent, il est aussi un être social capable d’aimer en dehors d’eux, de créer des liens extérieurs à la famille.
Ce regard sur les besoins des parents, nous ramène à notre condition « d’être parlant » et permet d’ouvrir une réflexion et une proposition pour toute équipe de professionnels. Une réflexion sur nos besoins d’être relier par la parole et une proposition pour que nous ne cédions pas à des protocoles institutionnels qui réduiraient nos temps de parole.     

 
Article rédigé par : Sophie Marinopoulos
Publié le 01 mai 2016
Mis à jour le 01 mai 2016