Bien-traitance et douces violences dans les EAJE

Bien-traitance (sans oublier le trait d'union) et douces violences*, deux concepts que les professionnels de la relation, de l'éducation et de la petite enfance se sont appropriés, il y a quelques années avec joie et enthousiasme. Comme une urgence, dans ces milieux qui accompagnent l'humain. Et l'urgence reste encore aujourd'hui d'actualité. Etat des lieux et pistes d’amélioration et de réflexion. Par Arnaud Deroo, consultant en éducation, formateur petite enfance et thérapeute, praticien neurofeedback.
Bien-traitance et douces violences. Comment définir ces concepts, une définition est-elle possible ? Quels liens ? Pourquoi ces concepts ont-ils eu tant d'écho ? Pourquoi dans certaines structures les pratiques non adéquates se poursuivent ? Quel est l'intérêt éducatif de ces démarches ? Et peut-on évaluer ces orientations ? Voici les questions auxquelles je vous propose de réfléchir.

Eviter les douces violences, c'est être bien-traitant, être bien-traitant c'est ne pas poser de douces violences
Bien-traitance, rien que le mot sonne avec douceur à nos oreilles et lorsque vous rencontrez Mme Rapoport,* vous êtes encore plus séduit par le concept, par la réflexion. A la différence d'autres mots que l'on entend maintenant dans les structures : « psu, remplissage, heures facturées, heures réelles, ratio, contrat... » qui épuisent les professionnels et déshumanisent le travail. Christine Schuhl*, elle, nous parle avec enthousiasme, pétillance et sérieux du concept des douces violences qui s'allie parfaitement bien avec celui de la bien-traitance. La bien-traitance et les douces violences apportent une bouffée d'oxygène, une re-connexion au vrai du travail. Ces deux concepts nous interpellent dans nos attitudes, comportements, présence à l'enfant, aux parents. Sommes-nous si respectueux des potentialités du jeune enfant, de ses ressources, compétences ? Quel monde lui donnons-nous à voir ? Quelle relation lui offrons-nous, celle qui plus tard va fortement colorer sa relation d'adulte ? Est-on dans le respect fondamental de son être ?
Ne pas faire à ces enfants que vous accueillez ce que vous n'aimeriez pas qu'on vous fasse. C'est ainsi que nous pourrions résumer ces deux concepts. Pouvez-vous répondre que dans votre quotidien professionnel cela est vrai tous le temps ? Les découvertes en neuro-sciences affectives et cognitives confirment combien notre manière d'être va influencer l'enfant, (l'enfant ne s'éduquerait pas mais apprendrait par imitation). La responsabilité des adultes est donc importante. Vous êtes responsable de la qualité de la relation à offrir à l'enfant et vous l'oubliez parfois, quand on entend « tu es infernal, sois sage... ».

Le savoir-faire au service du savoir-être
Ces deux concepts, bien-traitance et douces violences, nous amènent à réfléchir fortement au savoir-être face aux enfants et aux parents, un savoir être qui s'est enrichi par un savoir, un savoir-faire. Je suis toujours surpris, étonné de voir combien nos connaissances théoriques, nos savoirs sur le développement psychique de l'enfant ne sont pas appliqués dans les structures. Et c'est la que la non bien-traitance et les douces violences s'immiscent.
La théorie de Winnicott qui nous dit combien le regard de l'adulte est important vers l'enfant ? Comment cela est-il mis en place ? Les écrits de Bowlby et l'importance du lien d'attachement sécure : les enfants sont-ils souvent pris dans les bras,  nourris sur les genoux, la référence est-elle mise en place, la continuité dans la prise en charge est-elle travaillée, etc. ? Et je pourrais citer encore bien d'autres connaissances qui se sont évaporées. Le travail reste à faire.

En quoi être bien-traitant et éviter les douces violences sont si importants ?
Ces deux orientations sont d'une urgence capitale pour notre société, n'en déplaise a l'élu qui dernièrement encore a pu déclaré à une éducatrice de jeunes enfants : « bien-traitance ne rime pas avec service public ». S'occuper avec bien-traitance des jeunes enfants « c'est faire du développement durable ». Un enfant bien-traité, sans douces violences développera ou épanouira son estime de soi, sa sécurité de base intérieure, il deviendra un adulte debout, responsable, heureux et autonome et la société ne s'en portera que mieux. Même des économistes prix Nobel nous disent combien une éducation empathique donc bien-traitante est importante pour l'économie. Un enfant a un besoin fondamental d'être bien traité, ce n'est pas un luxe. Parler de bien-traitance est parfois entendu comme un discours « chamallow » bien gentil, alors que cela signifie simplement être humaniste, respectueux de la vie, de l’autre. Notre société va-t-elle si mal que rechercher le meilleur pour nos petits n'est pas pensable ? Il y a quelques années, une ministre de la famille a eu le culot de baisser le niveau de qualification en structures petite enfance et la Cnaf a créé « la psu », que j'appelle la Poussée Spontané d'Urticaire tant aujourd’hui gérer une structure petite enfance devient un vrai casse-tête.

L’évaluation est-elle possible ?
Rassurons les financeurs, les politiques, être bien-traitant, éviter les douces violences peut s'évaluer ! Il s'agit d'évaluer si les connaissances théoriques, psychologiques, relationnelles et les apports des neurosciences affectives et cognitives sont mis en place sur le terrain. Nous savons ce qui est bon pour l'humain pour grandir correctement. A nous de l'appliquer.
Les jeunes enfants, les tout-petits, ont le droit à un accueil de qualité et le chemin reste à faire, puisqu'on laisse toujours à plus tard, et que l'on parle encore de places de garde et non pas d'accueil de qualité.
Mme Giampino** a travaillé avec des partenaires, des institutions sur des propositions, que va t-il en rester ? Si notre pays veut offrir des vrais lieux d'accueil petite enfance bien-traitants il est judicieux alors de :
 • Mettre en place dans les lieux d'accueil des temps d'analyse de pratique pour les équipes pendant leur temps de travail, et non pas des heures supplémentaires toujours difficiles à gérer (c'est-à-dire qu'une fois par mois la crèche ferme à 17h au lieu de 19h) ;
• Revoir la qualification et les normes d'encadrement ;
• Permettre aux équipes de se réunir une fois par mois pour des réunions de travail ;
• Dégager l'éducateur(rice) des normes d'encadrement pour qu'il, qu'elle joue vraiment son rôle ;
• D’organiser deux fois voire trois fois par an des journées pédagogiques pour les équipes ;
• Penser à la formation continue ;
• Que les espaces soient de vrais espace pour l'enfance ;
Quand tous ces critères seront mis en place, nous pourrons vraiment parler d'évaluation.

Le chemin de la bien-traitance et la suppression des douces violences est à poursuivre. Comme dans toutes professions, vous avez des structures magiques où il fait bon vivre et d'autres fragilisées. Les acteurs de terrain qui sont des vrais artistes ont besoin que l'on prenne soin d'eux, s'occuper de tous petits est un travail psychique complexe, parfois douloureux pour les professionnels. Bien-traiter les tous petits c'est aussi bien-traiter les équipes et le chantier est important.

    

* Les concepts de Bien-traitance et de Douces Violences ont été respectivement décrits et développés par Danielle Rapoport d’une part et Christine Schuhl d’autre part.     
** Auteur du rapport qui porte son nom sur le développement du jeune enfant, les modes d’accueil et la formation des professionnels.
 .
Lire aussi  : l’interview de Sylviane Giampino
Article rédigé par : Arnaud Deroo
Publié le 07 janvier 2018
Mis à jour le 16 mai 2021

6 commentaires sur cet article

Cette article n'est pas.facile à lire. Il dérange, il questionne plus. Pourtant son auteur ne semble pas isolé. Le fait que je partage son avis est une preuve de soutien. En revanche quand je questionne sur les pratiques institutionnalisées dans la crèche où je travaille, je me sens seul et isolé. Souvent, mes superieurs me renvoie à mon statut de Cap petite enfance pour m inviter à rester à ma place. C'est dur et injuste comme réponse. Je me sens stigmatisé et certains collègues commencent à critiquer le fait que je me preoccupe plus du bien être des enfants que du leurs. Pourtant nous partageons les même difficultés et mes même souffrance au travail ( absenteisme forte, effectif réduit, fatigue physique et psychique, frustion...). J aimerai continuer à exercer mon travail sans avoir à démissionner car mon employeur est absent pour répondre aux besoins de bien traitrance. Je vous écrit pour vous demander du soutien et de l aide. J ai lu que l employeur à l'obligation de prevenir des risques professionnels. Malheureusement je ne sais pas qui lui « oblige». Paradoxalement ce site est quelquefois cité comme référence ou utilisé par la direction comme un outil pédagogique. Mais les représentations sont difficilement modifiables. Combien de fois ai je entendu cette expression «reprends toi, calme toi! Je ne suis pas d accord avec tes pleurs.» ? Trop souvent.
Cette article n'est pas.facile à lire. Il dérange, il questionne plus. Pourtant son auteur ne semble pas isolé. Le fait que je partage son avis est une preuve de soutien. En revanche quand je questionne sur les pratiques institutionnalisées dans la crèche où je travaille, je me sens seul et isolé. Souvent, mes superieurs me renvoie à mon statut de Cap petite enfance pour m inviter à rester à ma place. C'est dur et injuste comme réponse. Je me sens stigmatisé et certains collègues commencent à critiquer le fait que je me preoccupe plus du bien être des enfants que du leurs. Pourtant nous partageons les même difficultés et mes même souffrance au travail ( absenteisme forte, effectif réduit, fatigue physique et psychique, frustion...). J aimerai continuer à exercer mon travail sans avoir à démissionner car mon employeur est absent pour répondre aux besoins de bien traitrance. Je vous écrit pour vous demander du soutien et de l aide. J ai lu que l employeur à l'obligation de prevenir des risques professionnels. Malheureusement je ne sais pas qui lui « oblige». Paradoxalement ce site est quelquefois cité comme référence ou utilisé par la direction comme un outil pédagogique. Mais les représentations sont difficilement modifiables. Combien de fois ai je entendu cette expression «reprends toi, calme toi! Je ne suis pas d accord avec tes pleurs.» ? Trop souvent.
Cette article n'est pas.facile à lire. Il dérange, il questionne plus. Pourtant son auteur ne semble pas isolé. Le fait que je partage son avis est une preuve de soutien. En revanche quand je questionne sur les pratiques institutionnalisées dans la crèche où je travaille, je me sens seul et isolé. Souvent, mes superieurs me renvoie à mon statut de Cap petite enfance pour m inviter à rester à ma place. C'est dur et injuste comme réponse. Je me sens stigmatisé et certains collègues commencent à critiquer le fait que je me preoccupe plus du bien être des enfants que du leurs. Pourtant nous partageons les même difficultés et mes même souffrance au travail ( absenteisme forte, effectif réduit, fatigue physique et psychique, frustion...). J aimerai continuer à exercer mon travail sans avoir à démissionner car mon employeur est absent pour répondre aux besoins de bien traitrance. Je vous écrit pour vous demander du soutien et de l aide. J ai lu que l employeur à l'obligation de prevenir des risques professionnels. Malheureusement je ne sais pas qui lui « oblige». Paradoxalement ce site est quelquefois cité comme référence ou utilisé par la direction comme un outil pédagogique. Mais les représentations sont difficilement modifiables. Combien de fois ai je entendu cette expression «reprends toi, calme toi! Je ne suis pas d accord avec tes pleurs.» ? Trop souvent.
Cette article n'est pas.facile à lire. Il dérange, il questionne plus. Pourtant son auteur ne semble pas isolé. Le fait que je partage son avis est une preuve de soutien. En revanche quand je questionne sur les pratiques institutionnalisées dans la crèche où je travaille, je me sens seul et isolé. Souvent, mes superieurs me renvoie à mon statut de Cap petite enfance pour m inviter à rester à ma place. C'est dur et injuste comme réponse. Je me sens stigmatisé et certains collègues commencent à critiquer le fait que je me preoccupe plus du bien être des enfants que du leurs. Pourtant nous partageons les même difficultés et mes même souffrance au travail ( absenteisme forte, effectif réduit, fatigue physique et psychique, frustion...). J aimerai continuer à exercer mon travail sans avoir à démissionner car mon employeur est absent pour répondre aux besoins de bien traitrance. Je vous écrit pour vous demander du soutien et de l aide. J ai lu que l employeur à l'obligation de prevenir des risques professionnels. Malheureusement je ne sais pas qui lui « oblige». Paradoxalement ce site est quelquefois cité comme référence ou utilisé par la direction comme un outil pédagogique. Mais les représentations sont difficilement modifiables. Combien de fois ai je entendu cette expression «reprends toi, calme toi! Je ne suis pas d accord avec tes pleurs.» ? Trop souvent.
Cette article n'est pas.facile à lire. Il dérange, il questionne plus. Pourtant son auteur ne semble pas isolé. Le fait que je partage son avis est une preuve de soutien. En revanche quand je questionne sur les pratiques institutionnalisées dans la crèche où je travaille, je me sens seul et isolé. Souvent, mes superieurs me renvoie à mon statut de Cap petite enfance pour m inviter à rester à ma place. C'est dur et injuste comme réponse. Je me sens stigmatisé et certains collègues commencent à critiquer le fait que je me preoccupe plus du bien être des enfants que du leurs. Pourtant nous partageons les même difficultés et mes même souffrance au travail ( absenteisme forte, effectif réduit, fatigue physique et psychique, frustion...). J aimerai continuer à exercer mon travail sans avoir à démissionner car mon employeur est absent pour répondre aux besoins de bien traitrance. Je vous écrit pour vous demander du soutien et de l aide. J ai lu que l employeur à l'obligation de prevenir des risques professionnels. Malheureusement je ne sais pas qui lui « oblige». Paradoxalement ce site est quelquefois cité comme référence ou utilisé par la direction comme un outil pédagogique. Mais les représentations sont difficilement modifiables. Combien de fois ai je entendu cette expression «reprends toi, calme toi! Je ne suis pas d accord avec tes pleurs.» ? Trop souvent.
Désolé pour cette succession malheureuse.