Pauline, reviens ! Par Bernadette Moussy

EJE, formatrice (enseignement des courants pédagogiques)

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enfants école maternelle jouent
Ces derniers jours, j’entendais à la radio que l’école maternelle allait devenir obligatoire. Les deux termes, d’« école maternelle » et « obligatoire » reliés entre eux m’ont fait réagir. Il est vrai qu’il y a une telle proportion d’enfants qui vont déjà à l’école à 3 ans et même deux ans et demi que ce n’est pas un évènement. 97% d’enfants la fréquentent, pourquoi se préoccuper des autres qui restent ?

Alors j’ai pensé à Pauline Kergomard, une des premières inspectrices des écoles maternelles qui, entre 1881 et 1910, a tenté de transformer la pédagogie des salles d’asile. Elle a commencé par en changer le titre en : école maternelle. Dans son ouvrage, L’éducation maternelle dans l’école, elle explique que si le terme « école » se justifie car l’enfant y fait des apprentissages, elle y a adjoint le terme de « maternelle » car cette nouvelle école veut garder "la douceur affectueuse et indulgente de la famille " et la maîtresse doit "imiter le plus possible les procédés d'éducation d'une mère intelligente et dévouée ». Suite à ses nombreuses inspections et son découragement à y voir les enfants incompris et maltraités, elle souhaitait qu’au bicentenaire de la révolution française tous les petits enfants soient dans leur famille.

N’y pensons pas, la pédagogie de la petite enfance a heureusement évolué et la société aussi. Il nous reste à veiller à la qualité de l’accueil des petits en collectivité.
Que dit-elle sur cette attitude maternelle « intelligente et dévouée » de l’institutrice ? Pour elle la maîtresse organise sa classe avec les mêmes critères que ceux qu'on trouve dans une maison, avec une vraie vie familiale. Elle accepte que les enfants apportent leurs petits jouets de la maison pour se sentir un peu chez eux. L’enfant qui va à l’école a plus que jamais besoin de tendresse et de pitié car il est privé de sa famille dit-elle. Alors, même si l’école maternelle est un mal nécessaire, elle doit lui apporter la douce chaleur d’un nid, la possibilité d'y avoir le bonheur des joyeux ébats, ainsi que de la tendresse. L’institutrice met tous ses soins à former l'esprit d'observation, le jugement et la raison de ses enfants et à tremper leur caractère. Elle y met tout son coeur et toutes les délicatesses de celui-ci.

Kergomard veut que l'enfant fasse son "métier d'enfant" avant tout. Il faut prendre son temps pour qu’il soit heureux avant d'être instruit. Qu’il puisse palper, manipuler, regarder, seul ou avec les autres. Peu d'instruction mais du jeu ! Elle ne veut pas d'enseignement de l'écriture à l'école maternelle, sauf un peu pour les plus grands. Que l'enfant parle de ce qu'il aime, qu'il raconte ce qu'il a vu! Qu'il comprenne ce qu'on lui dit!

Où en sommes-nous ? Les institutrices d’école maternelles actuellement ont-elles (ils) les mêmes connaissances pédagogiques sur la petite enfance que les éducateurs de jeunes enfants ? Ne pourrions-nous pas rêver d’un travail en commun ? L’avenir de la formation des travailleurs sociaux ne pourrait-elle pas nous amener à des échanges entre ministères puisque déjà les formations d’EJE vont échanger avec les universités ? Il n’est pas interdit de rêver. A ce sujet, Kergomard souhaitait une formation ajustée à la petite enfance. Au 19ème siècle il y avait des cours spéciaux mais les institutrices furent homologuées à celles sur primaire, à sa grande déception.

Et la minorité des enfants qui restent, soit chez l’assistante maternelle qui les a gardés depuis qu’ils sont bébés, soit chez ses parents qui préfèrent les avoir à la maison pour différentes raisons… Comment vont-ils faire ? Ne pourrait-on pas enlever cet « obligatoire » qu’y a-t-il derrière cette décision ? S’il est vrai que les enfants ont besoin de jouer avec les autres, que peut signifier pour sa famille et pour lui cette injonction ?


Lire : Moussy B. « Les pédagogues dans l’histoire » pages 90 et suivantes, ed. Chronique sociale 2016 ou https://silapedagogie.weebly.com/pauline-kergomard.html
Publié le 03 avril 2018
Mis à jour le 03 avril 2018