Les sorties et le plein air selon Pauline Kergomard et Maria Montessori

Un courant actuel conseille avec juste raison de sortir les enfants. Il s’agit de d’éviter que les petits enfants en institutions soient confinés dans des lieux plus ou moins bruyants et bien souvent imprégnés de produits « désinfectants » et toxiques. Certaines haltes-garderies peuvent témoigner qu’il est possible que les enfants jouent dehors une bonne partie de la journée : ils sont moins malades et les parents apprécient de récupérer des enfants détendus. Bernadette Moussy rappelle que cette volonté de plein air n’est pas nouvelle.
Maria Montessori : Marcher, courir dans l’herbe ou dans l’eau

Voici ce qu’écrivait Maria Montessori dans son chapitre « Marcher et explorer » :

« Qu’ils courent dehors quand il pleut, qu’ils enlèvent leurs souliers quand ils trouvent un peu d’eau, et quand l’herbe des prés est humide de rosée, laissez leurs pieds nus la fouler, qu’ils se reposent paisiblement quand un arbre les invite à dormir ».

Ces souhaits sont osés. Non seulement les enfants marchent, mais ils courent et … dans l’eau. Quel plaisir ! Tous nous les avons vu recommencer à patauger avec jouissance. La pédagogue italienne nous invite aussi à les laisser dormir et pourquoi pas à rêver au pied d’un arbre, dans l’herbe ou dans n’importe quel endroit bucolique. N’est-ce pas une façon d’assimiler les expériences qu’ils viennent de faire ?
Elle continue la promenade de l’enfant :

« Chemin faisant il voit un agneau, il s’assied à côté de lui pour l’observer, Puis se lève et va plus loin. Il aperçoit une fleur et la cueille. Puis atteint un arbre, tourne autour quatre ou cinq fois, s’assied et le regarde. De cette façon il peut courir des kilomètres. »

C’est une véritable déambulation où l’enfant va et vient à sa guise. Il fait apparemment n’importe quoi mais il s’approprie l’environnement dans sa globalité et sa diversité. Montessori tient à ce que l’on laisse l’enfant marcher à son rythme et en fonction de sa curiosité. D’après elle, il sait ce qui lui convient et cette déambulation n’est pas le fruit du hasard. Il touche, sent, expérimente… Dans son texte, c’est la marche qui pour elle est importante.

Dernièrement je lisais l’expérience d’une éducatrice dépassée par le dynamisme d’un groupe de petits gars de trois ans qui, entre la lutte et la maladresse ne savaient comme exprimer leur énervement. Elle a instauré la marche, tout simplement la marche, si possible dehors, durant 20 minutes tous les matins. Ceci a eu pour conséquence que les enfants se sont mis à jouer en harmonie entre eux, ont manifesté une meilleure habileté psychomotrice et même une meilleure imagination.

Pauline Kergomard : Aérer, respirer … ne pas avoir peur de l’air !

Les conseils de Pauline Kergomard qui ont précédé ceux de Maria Montessori, sont de la même veine. Nous passons de l’incitation à marcher à celle de respirer :

« Dès le matin elle (la directrice) aérera en grand le local. Il est nécessaire pour que les salles soient purifiées qu’elles soient traversées, fouettées par le grand air et baignées de soleil. A huit heures les fenêtres seront fermées s’il fait froid et s’il fait beau et tiède on fermera que d’un côté. »

Elle  commence pratiquement tous ses rapports d’inspection par demander d’aérer. Comme si sa première impression lorsqu’elle entre dans une classe était un air irrespirable. A la fin du 19ème siècle il existait le même confinement des enfants qu’aujourd’hui, avec la différence qu’il y avait bien souvent cent vingt enfants dans une classe et trois adultes pour s’en occuper: la directrice, une stagiaire et la femme de service. Peut-on imaginer ?

Elle continue :

« La plus grande partie de la journée devrait se passer dans la cour, à l’ombre l’été, au soleil, l’hiver, pendant le même temps il faudrait tenir grandes ouvertes les fenêtres… On a en général trop peur de l’air qui est une des éléments essentiel de la vie, on ne redoute pas assez l’air vicié qui est un poison […]. La nature veut pour l’enfant le rayon de soleil, l’air qui vivifie, le mouvement qui accélère la circulation, le jeu des muscles qui les fortifie… L’enfant est fait pour se rouler par terre quand il ne sait pas marcher, pour courir après le papillon ou après le nuage … il est fait pour cueillir des fleurs, pour grimper aux arbres … il a droit à tout cela. »

Pour Pauline Kergomard, les soins du corps donnent à l’enfant un sentiment de dignité car le corps est la maison de l’esprit et il lui faut une maison saine.
Les éléments de nature servent à créer : « Terre, sable, chiffons, papier, morceau de bois, feuille verte ou feuille sèche, tout est bon pourvu qu’il [l’enfant] puisse en faire, lui, quelque chose, et qu’à ce quelque chose il imprime sa petite personnalité ». Elle raconte que lors d’une visite d’une école elle a pris les choses en mains car la maitresse était absente, les enfants sont partis chercher des galets sur la plage avec elle et au retour ont fait des jeux de triage, de construction...
Elle dit que l’enfant a besoin de bouger, porter, marcher, courir, exercer ses forces, lancer un ballon, courir pour le chercher, pour qu’il renverse des quilles. Il a besoin de crier, de chanter … dehors. « Les conflits sont rares » nous dit-elle.

Les éducatrices qui sortent les enfants savent que sur le plan physique, émotionnel, cognitif, psychomoteur, affectif et social, les enfants se développent mieux.
Et nous les adultes ? N’avons-nous pas besoin d’aller dehors et de profiter de tous ce que les enfants apprécient ? Il y est moins nécessaire de se dominer pour ne pas crier. Nous aussi nous avons besoin de marcher, respirer ... alors que nous sommes venus en voiture.
Article rédigé par : Bernadette Moussy
Publié le 28 juin 2019
Mis à jour le 03 juin 2021