Maria Montessori, médecin et pédagogue avant-gardiste

Avant de devenir un nom quasi commun ou un adjectif qualifiant une pédagogie, « Montessori » est avant tout le patronyme d’une femme, Maria Montessori, qui tout au long de sa vie et dans ses engagements s’est révélée une précurseure. Une humaniste et une femme résolument moderne.
Née en 1870 dans une petite bourgade près d’Ancône en Italie, Maria Montessori n’attend pas le début du XXème siècle pour devenir la première femme diplômée de médecine dans son pays, au grand dam de son père et d’une partie de son entourage.Très impliquée dans le combat des droits politiques et sociaux des femmes, elle représente l’Italie aux congrès féministes de Londres en 1889 et de Berlin en 1900. 

Porte-voix des enfants en difficultés
Ses premiers pas, elle les fait dans la clinique psychiatrique de Rome, auprès d’enfants malades mentaux. Le sens de la justice chevillé au corps, elle le revendique pour ces jeunes « retardés » des droits, en défendant le premier d’entre eux : l’instruction. « Nous devons permettre à ces malheureux de se réintégrer dans la société, de conquérir leur place et leur indépendance dans un monde civilisé retrouvant ainsi leur dignité d’être humain », déclare-t-elle au Congrès pédagogique de Turin en 1898.
Maria Montessori découvre les travaux de l’Espagnol Perreira, ainsi que ceux des Français Itard et Seguin, médecins et pédagogues qui, en pionniers, s’étaient consacrés aux sourds-muets et aux déficients. Elle fait fabriquerleur matériel, encore utilisé aujourd’hui, pour les enfants de l’école Orthophrénique* de Rome qu’elle dirige. Les résultats ne se font pas attendre. Ceux que l’on considéraient comme « fous » se révèlent capables  de passer haut la main les examens de fin d’études primaires. Dès 1901, Maria Montessori envisage de travailler également auprès d’enfants dits « normaux » en vue de développer leur potentiel. Dans cet esprit, elle approfondit ses connaissances en sciences humaines et consacre les années qui suivent à la philosophie et à la psychologie. Parallèlement, conférencière reconnue, elle publie régulièrement les résultats de ses recherches sur les maladies nerveuses infantiles.

Développer les compétences de chacun
Face à cette notoriété grandissante, Maria Montessori pourrait se contenter du confort universitaire ou d’une clientèle privée. Mais la femme préfère se confronter au réel.C’est dans un quartier misérable de la ville de San Lorenzo que les autorités lui proposent un local destiné à rassembler les gamins pour les « garder ». Maria Montessori relève le défi d’éduquer ces enfants sans retards ou maladies mentales mais victimes de conditions sociales défavorables : « Soixante gosses peureux et larmoyants, si timides qu’on ne peut les faire parler (… ), pauvres abandonnés qui ont poussé dans l’obscurité et le désordre des taudis sans que rien vienne stimuler leur intelligence. Il n’est pas besoin d’être médecin pour découvrir sur eux les traces de la dénutrition et du manque d’air et de lumière. Boutons fanés avant d’avoir éclos, ils cachent leur âme dans une cellule hermétique ».**Entourée d’une équipe qu’elle va former, l’humaniste donne aux yeux de ses contemporains une autre image de ces enfants. Et surtout elle les aide à laisser émerger du fond d’eux même leur véritable identité : la concentration, la dignité, la liberté de choisir de travailler, d’apprendre, d’être… De cette expérience, elle pose les bases de sa pédagogie, où l’enfant ne doit pas être le simple réceptacle de savoirs qui le dépasse, mais véritablement acteur de son propre développement. Portant en lui les germes d’un plein potentiel prêt à se révéler. 

Une autre vision de l’enfant
La renommée de la « Maison des enfants » fait vite le tour du monde. Pas uniquement celui des éducateurs mais aussi celui des chefs d’états, et d’autres « maisons » vont se construire dans de nombreux pays. : Inde, Argentine, Pays-Bas, Etats-Unis…
Un temps, la pédagogie montessorienne aura pourtant ses détracteurs. Accusée par des mouvements sociaux de ne « dresser » les enfants que pour « aller à la messe » et par l’Eglise de vouloir en faire des matérialistes. Mais finalement, elle serarevendiquée par les socialistes au Congrès de Bernede 1919 et saluée par des prêtres y décelant une inspiration de la morale catholique.
En 1929, Maria Montessori crée « l’Association Montessori Internationale ». Ses préceptes ne cesseront d’essaimer. Fuyant l’Italie fasciste à la suite de la décision de Mussolini de fermer toutes les écoles montessorienne, elle se refugie en 1936 en Espagne. Elle la quitte bientôt avec l’arrivée de Franco et demeure quelques années aux Pays-Bas. Finalement, en 1939, elle s’installe durablement en Inde. C’est en 1952, de retour aux Pays-Bas, qu’elle décède à l’âge de 81 ans. Laissant derrière elle, une vision de la pédagogie et de l’enfant complètement réformée.

*Une école d’éducation et de rééducation de jeunes atteints de troubles mentaux partiellement améliorables.
** Op cit in Maria Montessori, Sa vie, son œuvre, par Edwing Mortimer Standing, Ed. Desclée de  Brouwer, 2010 (P.27)
Article rédigé par : Marie-Sophie Bazin
Publié le 16 février 2016
Mis à jour le 30 août 2016