Aide sociale à l’enfance : le CESE alerte sur « le silence institutionnel »

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a publié un projet d’avis sur la protection de l’enfance et les moyens d’en garantir sa réelle effectivité. Il insiste sur la nécessité de renforcer la coordination entre l'État et les départements. Les préconisations de l'avis ont été votées en session plénière ce mardi 8 octobre.

Le CESE s’est penché dans cet avis sur la grave crise que connaît la protection de l’enfance depuis une vingtaine d’années, à la demande du Sénat et a formulé 20 préconisations qui ont été votées ce 8 octobre en séance plénière. Selon l’ONPE, 344 682 mineurs ou jeunes majeurs sont pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, ce qui représente une augmentation d’environ 20% depuis 2011. « Il y a un intérêt de plus en plus vif sur cette question de la protection de l'enfance », affirme Josiane Bigot, rapporteure de l’avis. Elle pointe néanmoins la situation paradoxale : « l’arsenal législatif n’a jamais été aussi protecteur alors que les scandales sont à répétition. » Un décalage entre les textes et la réalité de la mise en œuvre. « Les avancées ne sont pas sanctuarisées pour la suite », regrette la rapporteure. 

Réaffirmer le rôle de l’État
La commission a organisé son travail à partir de plusieurs piliers. Le premier concerne la désorganisation institutionnelle. En effet, d’un côté, l'Etat n’est pas assez engagé et de l’autre les départements ont une implication aléatoire liée à des moyens inégaux. Le préalable « est de sortir de l’invisibilité statistique » qui organise le silence institutionnel », alerte le CESE. « Il n'existe pas de données nationales consolidées ». L'institution suggère de demander au (GIP) France Enfance Protégée de réaliser chaque année avec les départements un état des lieux des besoins identifiés pour remédier à ce vide statistique. Le CESE propose également que soit mise en place une « stratégie interministérielle de prévention de protection de l’enfance» qui serait déclinée, au niveau départemental par les comités départementaux pour la protection de l'enfance (CDPE). Le fil rouge étant de garantir « un accompagnement optimal à chaque enfant ». En pratique, le CESE propose « une politique de contractualisation avec les départements pour suivre et évaluer cette politique publique de protection de l’enfance.»

Respecter les droits des enfants
Les lois sont protectrices mais elles ne sont pas respectées. Le CESE recommande « de faire du projet pour l’enfant (PPE) une condition préalable de la contractualisation avec les départements », une obligation portée par la loi de 2007, mais les départements sont aujourd'hui très nombreux à s’en affranchir. 

Autre pan : la prévention précoce « dont chacun sait qu'elle est indispensable ». Le CESE appelle à « la multiplication de dispositifs de soutien aux parents » et  milite pour une amélioration de la prévention pour repérer les situations à risque. Pour ce faire, il faut aller « jusqu’au bout de la démarche de professionnalisation de ceux qui approchent les enfants », insiste Josiane Bigot. Concrètement, cela implique de « définir un plan de formation sur la protection de l’enfance pour tous les professionnels qui peuvent repérer des situations à risque de danger.»

Autre préconisation, la systématisation de la présence d’un avocat qui assiste l’enfant. Concernant les enfants les plus vulnérables, le CESE demande qu’il y ait systématiquement une convention signée entre l’ASE, la MDPH et et l'ARS pour accompagner ces enfants particulièrement fragilisés. L’institution réclame en outre la publication du décret prévoyant un socle minimal d’encadrement dans les établissements collectifs, qui n’existe toujours pas malgré son inscription dans la loi de 2022. Il existe actuellement seulement pour les pouponnières. 

L’attractivité des métiers du lien social
« 71% des établissements médicaux sociaux ont des problèmes de recrutement, souligne Elisabeth Tomé-Gertheinrichs, co-rapporteure de l'avis. Et cela concerne également les  familles d'accueil alors même que ce mode d’accueil est plébiscité ». Le CESE insiste sur la nécessité de revaloriser ces métiers et de mieux former les travailleurs sociaux. « Il y a tout un travail indispensable qui doit être fait sur les mesures d’accompagnement spécifiques des travailleurs qui prennent en charge la souffrance psychique, social ou physique, souligne Josiane Bigot. Ces métiers méritent une valorisation des acquis de l’expérience utile pour d’autres secteurs d’activités. » Interrogée sur les moyens pour mettre en place ces préconisations dans un contexte de restriction des dépenses publiques, Élisabeth Tomé-Gertheinrichs répond que l'heure est à l'urgence. « Qui irait dire que la variable d'ajustement doit être la protection de l'enfance ? » demande-t-elle.
Article rédigé par : Candice Satara
Publié le 08 octobre 2024
Mis à jour le 08 octobre 2024