Nathalie Encinas, directrice du service Petite Enfance de Courcouronnes :« Tous les enfants ne vivent pas dans le même bain de langage »

Petite ville de l’Essonne en grande banlieue parisienne, Courcouronnes, (19 000 habitants, 52 ethnies), a été une des premières municipalités à rallier le dispositif PARLER Bambin pour renforcer le langage des tout-petits. Toutes les structures d’accueil du jeune enfant de la ville l’ont aujourd’hui adopté. Rencontre avec Nathalie Encinas, puéricultrice, Directrice du service Petite Enfance de la ville à l’origine de ce choix.
Les Pros de la Petite Enfance : Comment PARLER Bambin est il arrivé à Courcouronnes ?
Nathalie Encinas : Courcouronnes a été l’une des premières villes à adopter le projet, à la suite de l’expérimentation Grenobloise. Avec une population très jeune, l’éducation a toujours fait partie des priorités de la municipalité. C’est en faisant des recherches pour la Stratégie d’Action Educative de la ville que j’ai découvert ce projet. Je suis donc allée à Grenoble rencontrer le Dr. Zorman. Les directrices des structures d’accueil de la Petite enfance ont été consultées avant de nous lancer dans ce projet. Nous avons commencé par la plus grosse crèche collective, dont la direction était particulièrement motivée. 

Les Pros de la Petite Enfance : Comment les équipes ont-elles été formées ? 
Nathalie Encinas : Toutes nos équipes ont bénéficié de deux journées pédagogiques pour suivre une formation pratique et théorique, dispensée par des professionnels de Grenoble. Puisles responsables ont pu aller en immersion dans des structures qui utilisent déjà Parler Bambin. Maintenant nous pratiquons une formation en interne. 

 Les Pros de la Petite Enfance : Comment avez vous réussi à libérer le temps et le personnel nécessaire ? 
Nathalie Encinas : A Courcouronnes, nous avons la chance d’avoir du personnel en nombre et suffisamment diplômé, nous avons donc eu les moyens de mettre en place ces actions. Ensuite c’est à la direction de chaque structure de porter le projet et de rester à l’écoute des inquiétudes du personnel. 

 Les Pros de la Petite Enfance : Vos équipes n’ont pas été gênées de devoir évaluer si tôt du langage des tout-petits ? 
Nathalie Encinas : Il faut savoir entendre cela. Je donne toujours l’exemple des enfants qui ne sont pas très à l’aise dans leur corps. Ça ne nous pose pas de problème de conseiller aux parents de faire appel à un psychomotricien. Eh bien c’est la même chose !  Les enfants ne peuvent pas tout faire en même temps, nous sommes bien d’accord. Mais le langage s’installe bien avant que l’enfant ne dise ses premiers mots. Et Il s’agit là de mettre en place un environnement riche et des actions qui lui donneront l’occasion de s’exprimer dans le groupe ou lors des ateliers. 

 Les Pros de la Petite Enfance : Comment repérez-vous ces enfants « petits-parleurs » ? 
Nathalie Encinas : Il y a les observations de l’équipe, complétées par celles des parents. Nous leur demandons de repérer les mots que l’enfant prononce à la maison, qu’ils soient bien ou mal dits, en français ou dans une autre langue, pour pouvoir établir une courbe Rescorla. Et si une langue maternelle autre que le français est parlée à la maison, on recommande bien sûr de continuer à le faire… 

 Les Pros de la Petite Enfance : N’avez-vous pas peur de stigmatiser les familles des enfants ciblés ? 
Nathalie Encinas : Tous les enfants ne vivent pas dans les mêmes familles et donc le même bain de langage. Les familles modestes tiennent plus souvent un langage fonctionnel que des conversations à proprement parler avec leurs enfants.On ne les juge pas donc on ne stigmatise pas ! Au contraire, il faut voir la réaction des parents, la plupart vivent ce dispositif comme une chance. Parfois, l’imagier PARLER Bambin est le seul livre qui rentre à la maison… 

 Les Pros de la Petite Enfance : Quel suivi appliquez-vous ? 
Nathalie Encinas : Les équipes remplissent une fiche après chaque atelier. Elles ont aussi ont beaucoup travaillé sur la qualité de leurs transmissions. Désormais il y a un item « langage » dans les fiches de transmission, ce qui nous permet de garder dessus un œil tout particulier. Chaque assistante maternelle observe également le langage et fait un compte rendu mensuel.  Il y a des choses qu’on ne faisait pas avant au niveau du langage, et si on ne s’interroge pas dessus, on ne le fait pas ! 

 Les Pros de la Petite Enfance : Ne craignez-vous pas d’aller trop loin dans la stimulation précoce ? 
Nathalie Encinas : Je n’arrive pas à comprendre comment on peut être inquiet. On n’est pas dans l’apprentissage, l’enfant est acteur de son développement et c’est toute une équipe qui observe. Nous sommes là pour lui apporter la sécurité, l’estime de soi, pas pour poser des étiquettes.
Article rédigé par : Laurence Yème
Publié le 15 février 2016
Mis à jour le 18 octobre 2017