La PMI et les assistantes maternelles : trop de contrôle, pas assez d’accompagnement.

Les assistantes maternelles se sentent un peu délaissées. Pas de guide ministériel à destination des PMI pour elles. Donc pas d’harmonisation des pratiques en vue. Et peu ou pas d’accompagnement mais beaucoup, voire trop de contrôle. Concrètement comment ça se passe et pourquoi cette grogne sur le terrain ?

 
« Aujourd’hui nous avons le sentiment que les professionnels de la PMI ont des postures très sécuritaires. Les assistantes maternelles subissent des injonctions – parfois contradictoires non seulement d’un département à l’autre mais d’un quartier à l’autre. Avec un sentiment d’arbitraire très insécurisant. Car n’oublions pas qu’une assistante maternelle à qui on supprime son agrément se retrouve au chômage. » avance Sandra Onyszko de l’Ufnafaam. Et de poursuivre « on voudrait moins de contrôles liés à la sécurité et plus d’accompagnement lié à l’épanouissement de l’enfant ». C’est un sentiment assez largement partagé par la plupart des assistantes maternelles.  Et comme le souligne encore la responsable communication-formation de l’Ufnafaam, « les assistantes maternelles se sentent jugées. Mais les jugements avancés ne sont pas étayés, du coup elles ne peuvent et ne savent ni se défendre ni argumenter. Par ailleurs elles ont peur de défendre leurs postures professionnelles par crainte de perdre leur emploi ».

Le contrôle : nécessaire et utile
Pour Pierre Suesser, président du syndicat des médecins de PMI, c’est très clair : « il faut que les assistantes maternelles prennent conscience qu’un dispositif de contrôle est nécessaire. Les assistantes maternelles sont seules avec les enfants. C’est une responsabilité énorme. Il est légitime qu’il y ait un filet de sécurité, et ce filet c’est la PMI.  Le contrôle individuel, aussi mal vécu soit-il, est normal et nécessaire. » Les professionnels de PMI (médecins, puéricultrices ou EJE) ont une double mission de contrôle (appelé aussi suivi) et d’accompagnement et s’ils s’acquittent de la première, ils ont à cœur aussi de remplir la seconde. Mais le temps et les moyens manquent parfois. Il est vrai que certaines assistantes maternelles ne voient la puéricultrice de la PMI qu’une fois tous les 5 ans pour le renouvellement de leur agrément. La cour des comptes en 2013 avait dénoncé le nombre et la fréquence insuffisants des contrôles, tandis que le Conseil économique, social et environnemental (Cese) en 2014 soulignait la désorganisation et la redondance des contrôles effectués dans certains départements. Néanmoins, malgré ce manque de temps et de moyens, certaines PMI font le job !  « Ainsi, rappelle Pierre Suesser, dans mon département en Seine Saint-Denis, les assistantes maternelles sont vues une à deux fois par an à leur domicile. Pour certaines ce n’est pas suffisant, les équipes s’en sont rendu compte et ont mis en place 3 à 4 fois par an, en plus de la formation, des réunions à thèmes pour que les assistantes maternelles puissent venir discuter de leurs pratiques avec des collègues mais aussi avec des professionnels qui ont des compétences spécifiques. Cette initiative est venue de l’équipe de terrain. Ça, c’est de l’accompagnement » assure le médecin.  Mais s’il aime à souligner les actions et initiatives positives, et à préciser qu’on a plutôt tendance à parler des dysfonctionnements que de qui marche bien, Pierre Suesser, concède néanmoins que « tous les professionnels de PMI devraient être formés à cette double mission qui mêle accompagnement et contrôle. » ce qui évidement est loin d’être le cas. C’était d’ailleurs l’une des recommandations du rapport de la DGCS (Direction Générale de la Cohésion Sociale) « Protection maternelle et infantile, soutien à la fonction parentale, protection de l’enfance et modes d’accueil » présenté en mai 2016. (

Des disparités entre départements
Bientôt un guide pour harmoniser les pratiques des PMI en direction des EAJE, mais rien en ce qui concerne les assistants maternels. Ce n’est pas nécessaire rétorque-t-on à la fois au ministère et dans les PMI, puisqu’il existe un référentiel d’agrément  national et un décret relatif à la PMI. Oui mais … Cela n’empêche pas les interprétations et donc les différences déplorent les assistants maternels. Sandra Onyszko rappelle : « un département peut prendre des arrêtés plus contraignants que les décrets nationaux ». Les textes nationaux déterminent un nombre d’agréments maximum par exemple : une assistante maternelle ne peut accueillir à plein temps plus de 4 enfants.  Certains départements y ajoutent des critères d’âge : pas plus de deux enfants ne marchant pas ou de moins de 18 mois etc. Un ajout qui apporte des règles supplémentaires. Parfois justifiées sans doute, mais vécues comme arbitraires puisqu’elles ne sont pas obligatoires, prévues ni dans le référentiel, ni dans le décret. Et des exemples comme ça il y a eu a de toutes sortes notamment en ce qui concerne l’aménagement du domicile de l’assistante maternelle : hauteur des barrières de sécurité, lits utilisés, usage ou non d’une chaise-haute pour les repas etc. Pierre Suesser est d'accord :  si la base juridique est claire, il faudrait  un cadre national d'échanges de toutes les PMI pour harmoniser les pratiques.

Les MAM concentrent les tensions
Mais pour la plupart des organisations ou associations d’assistants maternels, les Maisons d’Assistants Maternels (MAM) concentrent à elles seules toutes la diversité des pratiques et exigences. Et ce,  alors même qu’au printemps dernier un guide ministériel des Maisons d’Assistants Maternels a été publié. « Certains départements malgré le guide ministériel sont clairement opposés aux maisons d’assistants maternels » explique Sandra Onyszko. Et font tout pour bloquer les projets : agréments refusés, locaux disqualifiés, demandes incongrues etc.
Ce à quoi Pierre Suesser répond : « la publication du guide ministériel était une façon implicite de reconnaître qu’il y avait des problèmes ! En fait personne ne veut admettre qu’accueillir 16 enfants dans un même lieu c’est de l’accueil collectif ! C’est ce qui explique les réticences de certains départements qui hésitent face à la légèreté des conditions et normes exigées pour l’ouverture d’une MAM ».

La PMI, la plus légitime
Les relations PMI-assistantes maternelles ne sont pas toujours au beau fixe. Mais ce n’est pas la guerre non plus ! En fait, plus qu’une affaire de textes (qui somme toute existent et cadrent relativement bien les choses), c’est une affaire de personnes et parfois de politique car ne l’oublions pas le patron officiel c’est le président du conseil départemental. Mais globalement si c’est le médecin chef de PMI qui donne le ton, il ne faut pas sous-estimer le rôle des puéricultrices ou  des EJE qui vont au domicile des assistantes maternelles. Certaines sont tatillonnes et avec parfois « des demandes délicates ou abusives » reconnait Pierre Suesser, d’autres sont ouvertes, et plutôt arrangeantes. La qualité et la pertinence d’un service de PMI dépend de ses professionnels et c’est aussi ce qui génère de l’insécurité chez les assistantes maternelles.  Y- a-t -il d’autres solutions ? De meilleures solutions ? Qui, mieux que la PMI pourrait être en charge de suivi et de l’accompagnement des assistantes maternelles ? Les services de PMI et leurs professionnels, ont de réelles compétences pour veiller au développement et à la protection des jeunes enfants. Quelle institution pourrait prendre le relais pour délivrer les agréments ? Régulièrement depuis 2006 et le rapport de l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales)  la question revient. Sans jamais qu’on puisse lui apporter de réponse satisfaisante. Décidément la plus légitime, c’est bien la PMI.


 

Pour aller plus loin

Petite Enfance, penser la prévention en grand. Pierre Suesser. Erès. Préface de Catherine Dolto. Pour son chapitre 3 où la conception de l’auteur, médecin de PMI par rapport aux modes d’accueil notamment individuel est exposé avec beaucoup de justesse. Où il est question de qualité plus que de normes
La petite enfance dans la cour des grands. Une politique des métiers à redécouvrir. Jérôme Bonnemaison . Préface de Jean Epstein. Dunod. L’auteur ancien directeur Petite enfance de la ville de Toulouse ne sait comme personne décortiquer les rouages des administrations et organismes. Sa vision de la PMI (chapitre 2) mérite d’être lue.

 

Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 30 novembre 2016
Mis à jour le 03 janvier 2017