Une mobilisation épistolaire, signée l'Acepp

L'Acepp vient de lancer une grande mobilisation épistolaire à destination de tous ses membres. L'objectif affiché : sensibiliser les décideurs aux revendications du réseau, et surtout mettre un coup de projecteur sur un secteur associatif de la petite enfance en grande souffrance.
15 jours de cartes revendicatives
C'est plutôt surprenant de la part d'un réseau habituellement assez discret... Ce lundi 23 janvier, l'Acepp a officiellement donné le top départ de sa grande « mobilisation épistolaire ». Le pitch : engager tous les membres du réseau - professionnels, parents, familles, associations, etc. - à envoyer des cartes mettant en exergue les grandes revendications de l'Acepp aux élus et partenaires d'un côté (maires, présidence des communautés des communes, députés, sénateurs, Caf...) ; au ministre des Solidarités, de l'Autonomie et de Personnes handicapées, Jean-Christophe Combe et à la Présidence de la Cnaf, de l'autre. Cette opération courra pendant une quinzaine de jours, jusqu'au 10 février.

Un secteur associatif en mal de reconnaissance
Cette mobilisation, mûrement réfléchie, le réseau la prépare depuis le mois de septembre dernier. Son point de départ : « Au courant de l'été, le décret du 29 juillet a fait 'trembler' le réseau. Comme c'est souvent le cas avec les nouveaux textes, il a fallu décrypter, analyser, rassurer nos membres. Sauf que cette année, le décret est venu s'ajouter à la fin de la crise sanitaire et à la pénurie de personnel, au point où les professionnels ne savent plus vraiment où ils en sont », explique Isabelle Rodriguez, coprésidente de l'Acepp. Résultat : des acteurs du secteur au bout du rouleau et en mal de reconnaissance.
Comme d'habitude, pourrait-on presque dire (malheureusement) à ce stade. Si ce n'est que le secteur associatif est particulièrement en souffrance... Et que s'il y a un moment stratégique pour prendre la parole, c'est bien dans le contexte actuel de négociation de la nouvelle Convention d'Objectifs et de Gestion (Cog), de préparation de la nouvelle classification Alisfa (voir LH 65) et évidemment de la réflexion autour du futur service public de la petite enfance (SPPE). « Depuis quelques mois, il y a une grande attente de la part de nos membres de mettre en avant nos missions et nos revendications, notamment face au secteur privé lucratif, très rôdé à communiquer. Nous sommes un réseau ancien, nous sommes dans toutes les sphères de réflexion et de proposition, mais nous travaillons en sous-marin, sans être forcément visibles », continue-t-elle avant de préciser « il y a un vrai besoin de mobilisation à faire pour reconnaître le travail du secteur associatif et lui redonner du dynamisme à une époque où il trouve peu d'échos venant des pouvoirs publics ».

Une mobilisation volontairement soft et positive
En période de crise, l'Acepp veut donc redorer le blason de l'associatif... Mais à l'heure où d'autres donnent de la voix, envoyer des cartes suffira-t-il à l'Acepp pour se faire entendre ? Pour sa coprésidente, pas de doute : l'opération va faire du bruit. En effet, l'envoi desdites cartes doit être l'occasion, pour les fédérations, d'organiser une multitude d'événements associés, qui trouveront des échos sur les réseaux sociaux et auprès des partenaires, notamment. Une multitude, car l'Acepp compte bien miser sur sa force : le nombre. Avec 1 000 collectifs et 8 000 salariés, il y a en effet, de quoi donner de la voix ! D'autant plus que l'Acepp espère que tout le monde jouera le jeu et postera sa (ou ses) lettre.s dans la joie et la bonne humeur (ou du moins dans une démarche positive) : les structures, les salariés, mais aussi les parents !
Sur ce point, l'Acepp se veut donc volontairement en opposition avec les mobilisations plus dures du secteur, à commencer par l'appel à la grève lancé notamment par le SNPPE et soutenu par le collectif Pas de bébés à la consigne auquel l'Acepp a un temps pourtant été associée. L'explication ? « Quand l'Acepp parle au nom du réseau, elle engage aussi ces 1 000 établissements qui touchent souvent des populations particulièrement sensibles et défavorisées. Or, en appelant à la grève, on prendrait le risque de fermer des structures qui ont déjà été beaucoup fermées et donc de perdre le contact avec certaines familles ayant pourtant un vrai besoin d'accompagnement », continue Isabelle Rodriguez, tout en rappelant qu'au niveau local, chacun est libre d'aller manifester s'il le souhaite. Quant à Pas de bébés à la consigne, pas de doute : l'heure est à la distanciation. « Il y a eu certaines allégations publiées notamment sur des tracts suite à la parution du décret qui étaient fausses ou grossièrement interprétées. On ne peut pas être dans des lieux de réflexion et de négociations et être associés à de tels propos ». Verdict : le réseau préfère se positionner à la marge du discours apparemment majoritaire (ou du moins, le plus retentissant) pour se concentrer sur du positif : « Face à la grogne des professionnels, il faut les revaloriser, les soutenir dans leur quotidien, pas être dans une mobilisation négative, sinon les retombées sur le terrain le seront forcément aussi », conclut Isabelle Rodriguez sur ce point.

Faire pression sur les décideurs aussi
Reste qu'au-delà de la communication, l'Acepp compte bien saisir l'occasion de sa mobilisation épistolaire pour rafraîchir la mémoire des décideurs sur ses revendications. Et elle aurait tort de ne pas le faire dans « cette phase charnière entre la COG et le SPPE, où beaucoup choses vont se décider, notamment en termes de subventions pour les prochaines années », souligne la coprésidente de l'Acepp. D'où les 5 exigences mises en avant dans les fameuses cartes que recevront sous peu élus et partenaires, à savoir :
• le renforcement de l'implication des pouvoirs publics : État, Cnaf et CAF, PMI et collectivités locales (région, département et commune) ;
• une vraie reconnaissance de la démarche associative ;
• une campagne de promotion des métiers Petite Enfance et Parentalité et la création d’une filière spécifique ;
• la revalorisation des salaires pour l’ensemble du secteur ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie au travail ;
• le développement et la reconnaissance des temps de réunions, d’espaces de ressourcement et de formation.

Revaloriser les salaires, les métiers et la qualité de vie au travail
Des revendications dont l'Acepp s'était déjà faite l'écho dans son manifeste 2022-2026 (voir LH n°34). « Rien de nouveau » donc, comme l'admet volontiers Isabelle Rodriguez... si ce n'est qu'il est temps de mettre un coup de pression supplémentaire. Et pour cause : « On ne peut plus admettre le désengagement de certaines collectivités locales et les fortes disparités territoriales en matière d'accueil de la petite enfance à l'heure où l'on parle de service public de la petite enfance, alors que les structures associatives fournissent un service d'intérêt général », s'indigne-t-elle. Identiquement, avec la signature de la nouvelle classification Alisfa (voir LH n°65), « il va falloir aller chercher les pouvoirs publics sur la rémunération », rappelle Isabelle Rodriguez. Et de préciser que c'est le moment de « revaloriser les salaires, mais aussi les métiers et la qualité de vie au travail, qui passe par l'encadrement. Il faudra en tenir compte dans la Cog et prévoir les subventions à hauteur du travail attendu », précise-t-elle.
En d'autres mots : il faut y aller maintenant et il faut y aller fort ! Les prochaines étapes donc ? D'abord l'envoi des cartes qui se fera par deux biais : les cartes destinées aux élus (maires, sénateurs, députés) seront directement envoyées aux intéressés avec l'aide des fédérations Acepp locales au besoin, tandis que l'Acepp nationale centralisera les cartes au nom du ministre et de la présidence de la Cnaf pour une remise en main propre dont la date n'est, pour l'heure, pas encore actée. En parallèle, les événements de communication et de valorisation des actions de l'Acepp sur les territoires seront déployés. Reste à en préciser les contours, ce qui devait être fait lors du CA de l'Acepp le week-end dernier. Il ne reste donc plus qu'à attendre...


NB. Reprise de l'article publié dans La Lettre hebdo 78
 
Article rédigé par : Véronique Deiller
Publié le 23 janvier 2023
Mis à jour le 22 août 2023