Perturbateurs endocriniens : comment les éviter dans les lieux d’accueil

La problématique grandissante de l'exposition aux perturbateurs endocriniens amène aujourd’hui les professionnels de l’accueil du jeune enfant à s’interroger sur leurs pratiques et repenser leur organisation. Comment repérer ces substances chimiques et les bannir des lieux d’accueil pour préserver la santé des enfants comme des adultes ? Sylvie Guillou, docteur en chimie, fait le point.
A l’origine de graves troubles de la santé
Malformations génitales, stérilité, puberté précoce, cancers hormono-dépendants (sein, prostate, cerveau…), obésité, diabète, troubles du comportement… d’où viennent ces maladies ? Pour une grande part, des 800 molécules suspectées d’être des Perturbateurs Endocriniens (PE) : des substances à la fois naturelles et chimiques qui peuvent altérer les fonctions du système hormonal et ainsi avoir des effets indésirables sur les personnes et les animaux. Une liste d’environ 120 substances regroupées en 6 familles chimiques a été établie.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 
Les femmes enceintes, les fœtus, les enfants, les adolescents, ou encore les personnes dont le système immunitaire est affaibli, sont les populations les plus à risques. Ces molécules chimiques de synthèse prennent en effet la place des hormones de l’organisme et engendrent une succession de dysfonctionnements aboutissant à différentes pathologies.
Contrairement aux idées reçues, avec les PE, la dose ne fait pas le poison. A faible dose, les PE agissent sur le système hormonal et peuvent même se révéler plus dangereux que lorsqu’ils sont présents en plus grande quantité. Il faut donc oublier cette théorie que l’on entend encore trop souvent.

Présents dans de nombreux produits de la vie quotidienne
Les industriels de la chimie ont mis au point des molécules constitutives de matériaux de notre vie quotidienne moderne (plastiques, peintures, colles, cosmétiques, pesticides…). Ainsi les PE sont présents dans différents milieux et l’exposition peut intervenir par différentes voies : ingestion, inhalation ou contact cutané.

Les principales sources d’exposition aux PE
• L’ingestion : par l’alimentation et par l’eau du fait des résidus hormonaux dans les denrées alimentaires, des résidus de pesticides dans les céréales et les végétaux et par la contamination des sols de cultures, les emballages, le matériel utilisé pour la préparation des repas…
• L’inhalation : par l’air et du fait de certains produits industriels (pesticides, produits de consommation courante, produits cosmétiques, etc.).
• Le contact cutané : via les produits cosmétiques.

Exemples de substances
• Des phtalates, présents dans des produits tels que les adhésifs, huiles lubrifiantes, détergents, solvants, produits pharmaceutiques, fils et câbles électriques, produits cosmétiques.
• Des parabènes, employés comme conservateurs dans plus de 80 % des produits cosmétiques et utilisés dans les médicaments et comme additifs alimentaires, en raison notamment de leurs propriétés antibactériennes et antifongiques.
Le Bisphénol A (BPA), que l’on retrouve dans des produits tels que les Compacts Disques (CD), lunettes, certains composites dentaires, papiers thermiques des caisses enregistreuses (interdiction à partir de janvier 2020 du BPA à une concentration supérieure à 0,02% en poids). Mais sont suspectés aussi le BPB et le BPS - les scientifiques ont d’ailleurs montré des effets encore plus délétères pour le BPS, mais ils sont incorporés aux nouveaux plastiques…
• Des composés perfluorés (PFC), très persistants dans l’environnement, utilisés dans les traitements textiles antitaches et imperméabilisants, les enduits résistants aux matières grasses, les emballages en papier et carton alimentaires, etc.

Tous les moyens pour les remplacer efficacement
S’il est impossible de fuir l’air extérieur et sa pollution, nous pouvons en revanche maîtriser ce qui se passe dans les locaux !
Quelques pistes pour éradiquer les PE des lieux d’accueil en fonction des activités.

En cuisine et au repas
• Préparer des repas en utilisant des aliments bio ou travailler avec un prestataire qui propose des repas bio. Cette filière se développe sur le territoire, pour le plus grand bonheur des enfants et des adultes, qui constatent notamment des assiettes vides en fin de repas… tout est mangé et la santé assurée. Dans la région de Rennes, une cuisine centrale bio, locale et durable dédiée à la petite enfance « Breizhou » vient tout juste d’ouvrir ; l’offre existe aussi à Lyon.
• Bannir les emballages plastiques des denrées alimentaires, acheter en vrac, conserver dans des bocaux en verre.
• Proscrire le réchauffage des barquettes plastiques dans les fours à micro-ondes. Ou autre moyen pour limiter le transfert des particules dans les aliments : transvaser dans un plat en verre ou inox, ou imposer au prestataire de livrer en bac inox directement. La ville de Strasbourg a pris ce virage depuis l’an dernier, en imposant l’inox aux prestataires pour les selfs dans un premier temps.
• Utiliser des ustensiles et du matériel en inox ou en verre trempé. A Limoges, à l’initiative de la mairie, une crèche municipale pilote l’expérimente depuis l’an dernier. Ils ont notamment signé un partenariat avec un fabriquant de vaisselle pour réaliser l’assiette idéale.
• Des matériaux en bambou arrivent aussi sur le marché : ils peuvent être intéressants mais attention au lavage, l’eau trop chaude les abîme.
• Les moules à gâteaux, le bol du mixer, le cuiseur vapeur sont autant de piège… Ne faites plus confiance aux matières plastiques quelles qu’elles soient, même s’il est écrit BPA Free. Prenez le temps de chercher le matériel idéal lors des achats.

En salle de change
• Remplacer les bombes anti odeur par des coupelles de bicarbonate en hauteur et dans les sacs poubelle… efficacité garantie sans toxiques !
• Pour les produits de soin, privilégiez les compositions simples, plutôt dans la gamme bio, car ici beaucoup de composants à risques et dérivés hydrocarbures sont bannis.

Pour l’entretien des locaux
Les produits éco labellisés certifiés sont une piste à explorer. Vous pouvez aussi fabriquer vous-même vos produits d’entretien, les résultats « hygiène » sont aussi bons qu’avec les produits chimiques traditionnellement utilisés mais sans aucun risque pour les humains. Retour aux grands classiques : vinaigre blanc, bicarbonate, savon noir, savon de Marseille … sans oublier le nettoyage vapeur sans chimie !
Côté buanderie, la lecture de la composition de la lessive peut vous laisser perplexe… n’hésitez pas à acheter une lessive écolabel, voire écocertifiée « Green life à base d’ingrédients biologiques » pour laver sans risque. La lessive maison à base de Savon de Marseille est aussi une excellente alternative !

Pour les activités
Depuis combien de temps les enfants jouent-ils à faire semblant avec les mêmes contenants en plastique ? Il est peut être temps de les remplacer pour éliminer le risque du BPA et ne prendre que des contenants alimentaire pour avoir le plus de sécurité… Les jouets anciens en plastique contiennent sans doute des phtalates, il faut alors les remplacer au fur et à mesure pour des jouets en matière noble - le bois, le tissu, le carton… Les jeux de récupération à base de carton sont les bienvenus. Bannissez les jeux trop élaborés, où la chimie joue un rôle trop important (peinture paillettes).


Limiter les perturbateurs endocriniens dans les établissements, c’est changer des habitudes prises au fil des années, c’est retrouver l’usage des techniques et matériaux utilisés avant l’explosion de l’industrie chimique moderne quia imposé les molécules de synthèse dans le quotidien par le biais du marketing.
La démarche écologique peut être un tremplin pour le faire pas à pas, entrainant toute l’équipe de l’établissement et les parents dans cette aventure. Les progrès visibles rapidement sont motivants pour continuer les changements d’habitudes et faire du lieu d’accueil un établissement sans perturbateurs endocriniens.
Article rédigé par : Sylvie Guillou
Publié le 05 octobre 2018
Mis à jour le 03 octobre 2020