Les grandes lignes du rapport du HCFEA sur l’accueil des enfants en situation de handicap

Mercredi 29 août, Sylviane Giampino remet le rapport du Conseil de l’enfance du HCFEA intitulé « Accueillir et scolariser les enfants en situation de handicap de la naissance à 6 ans et accompagner leur famille » aux deux ministres qui l’avaient commandé : Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, et Sophie Cluzel, Secrétaire d’état chargée des Personnes handicapées. C’est en effet il y a presque un an le 19 septembre 2017 que cette saisine conjointe avait été transmise au HCFEA. Zoom sur les principaux constats, analyses et recommandations de ce rapport.
Six axes prioritaires et 42 propositions
Le rapport, adopté par consensus le 5 juillet dernier par le Conseil de l’enfance, et assorti d’un avis circonstancié, présente 42 propositions rassemblées autour de 6 grands axes prioritaires :
1. Avant trois ans, ouvrir davantage les modes d’accueil individuels et collectifs aux enfants en situation de handicap
2. Compléter et améliorer la scolarisation en école maternelle
3. Faciliter la vie des familles dans leur rapport aux services petite enfance et handicap sur le chemin d’un éventuel diagnostic
4. Développer l’appui aux professionnels et le travail en réseau au service des enfants
5. Prendre en considération et améliorer la vie des fratries
6. Aider les parents, soutenir leur parentalité et leur faciliter l’articulation avec le travail.

Accueillir les enfants le plus tôt possible
Comme tous les rapports du HCFEA, c’est un rapport très dense, fouillé et précis qui fourmille d’exemples, de bonnes pratiques et d’initiatives. Et de chiffres. Il met en évidence les obstacles.  Et suggère des solutions. C’est la première fois qu’un travail d’une telle ampleur est réalisé.

L’enjeu est important puisqu’il s’agit de préparer une société inclusive où le regard porté sur le handicap et les personnes qui le vivent change. C’est d’ailleurs pour cela que le rapport insiste sur la nécessité d’accueillir très tôt les jeunes enfants rencontrant des difficultés et pouvant potentiellement être en situation de handicap, c’est à dire avant qu’un diagnostic précis ne soit posé. Dans son avis le Conseil rappelle : « l’inclusion, la vie partagée entre tous les enfants dans des services de droit commun doit devenir la norme dès la petite enfance, ce qui prépare l’inclusion future ». Précisant « l’accueil de tous les petits enfants ensemble pose les bases d’un rapport de familiarité avec le handicap, et non d’étrangéité, socle d’une société inclusive ».
Un accueil précoce, utile et nécessaire pour les enfants eux-mêmes (avant même qu’ils n’aient conscience de leur handicap, et du regard des autres enfants comme des adultes sur leur différence) mais surtout pour leurs familles qui souvent sont isolées et fragilisées dans l’attente d’un diagnostic.

Ainsi il est  proposé de créer un projet personnalisé d’accueil du jeune enfant. Un projet formalisé mais plus souple que le PPS (projet personnalisé de scolarisation). Et dans ce même esprit, le rapport propose la désignation d’un référent, coordonnateur de parcours qui puisse suivre l’enfant et aider les parents dans les méandres des démarches administratives. Tout cela en lien avec les schémas départementaux de services aux familles.

Des modes d’accueil collectifs et individuels plus ouverts avec des moyens supplémentaires
Cela doit se traduire dans les faits : ces jeunes enfants et leurs familles doivent bénéficier d’un traitement prioritaire pour une solution d’accueil collective ou individuelle mais adaptée. Car actuellement selon les données CAMSP (Centres d’action médico-sociale précoce), seuls 24% des enfants en situation de handicap sont en EAJE et très peu accueillis par des assistantes maternelles. Il faudrait donc développer environ 10 000 solutions d’accueil additionnelles, tous modes de garde confondus (y compris occasionnels) pour les jeunes enfants de moins trois ans.

Actuellement, certains EAJE refusent d’accueillir des enfants en situation de handicap car la loi est ambiguë. La proposition N°2 du rapport demande d’aménager les articles du Code de la santé publique de sorte que l’accueil des enfants en situation de handicap n’apparaisse pas comme facultatif. Mais accueillir ces enfants exige du temps, des compétences et des moyens. C’est pourquoi le rapport propose aussi la mise en place d’une bonification automatique de la PSU (un bonus handicap qui est d'ailleurs prévu dans la COG 2018/2022) et de revoir les conditions d’accès au Cmg (Complément de mode de garde) pour les parents qui souhaitent avoir recours à une assistante maternelle (majoration de 30% et suppression de la condition d’emploi).
Pour développer l’accueil individuel, le rapport prévoit une prime pour les assistantes maternelles qui souhaiteraient se former à la prise en charge d’un enfant en situation de handicap.

Scolarisation : une attention spécifique pour les 3-4 ans
Actuellement c’est plutôt l’école maternelle qui joue ce rôle d’inclusion des jeunes enfants en situation de handicap. Elle accueille les 3-6 ans et plus souvent d’ailleurs les 4-6 ans. Le rapport préconise que l’accueil en maternelle se fasse dès trois ans et de façon hybride (lien modes d’accueil/ école) mais institutionnalisée (classes passerelles), voire même que les 3 ans soient accueillis dans d’autres structures tels les jardins d’enfants ou jardins d’éveil.
Néanmoins il souligne qu’avec l’obligation de scolarisation à 3 ans, il faudra accueillir environ 2 000 enfants supplémentaires de moins de 4 ans et que cela doit être anticipé. Actuellement Les PPS (Projets personnalisés de scolarisation) ne concernent que 0,4% des enfants de 3 ans et 2,2% de ceux de 6 ans. Or ils devraient être mis en place de façon plus précoce.  Enfin il est suggéré que les 2 000 enfants actuellement scolarisés en ESMS (Établissements sociaux et médico-sociaux) le soient dans des unités d’enseignement externalisées dans les écoles.

Le travail en réseau des professionnels : essentiel
Les professionnels de l’accueil du jeune enfant doivent pouvoir disposer de connaissances et bénéficier de soutien quand ils ont en charge des enfants en situation de handicap. La proposition N°9 recommande la création d’unités mobiles d’appui composées de professionnels dans chaque département, destinées à accompagner les professionnels mais aussi à informer les familles.  Autre proposition : dégager du temps de réflexivité professionnelle et de formation tant pour les pros de crèches que les assistantes maternelles.

Le rapport prévoit par ailleurs des propositions en direction des parents et des fratries pour les soutenir et éviter de fragiliser l’équilibre familial. Notamment des actions spécifiques à leur encontre dans les LAEP (lieux d’accueil enfants parents). Et recommande un certain nombre de mesures destinées à permettre une meilleure conciliation vie professionnelle / vie familiale pour les mères comme les pères.

Consulter le rapport
Lire notre actualité : Remise du rapport sur l'accueil et la scolarisation des enfants de moins de six ans en situation de handicap

Presque 100 000 enfants concernés

Selon le rapport, environ de 60 000 à 70 000 enfants sont suivis avant 7 ans au titre de l’AEEH (allocation d’éducation enfant handicapé), du PPS (projet personnalisé de scolarisation) ou des CAMSP (centres d’action médico-sociale précoce). Mais ce sont des enfants en cours de diagnostic ou dont le diagnostic a été posé. Or le rapport estime qu’il a un « besoin d’accompagnement plus précoce pour 30 000 à 40 000 enfants complémentaires à ces 60 à 70 000 enfants déjà accompagnés ».
 

Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 27 août 2018
Mis à jour le 13 octobre 2018
Portrait de Utopie
le 30/08/2018 à 19h04

Professionnelle dans un EAJE, nous accueillons un enfant porteur d’un handicap physique et moteur depuis plus de 3 ans. Pour cette nouvelle rentrée, nous devons continuer de l’accueillir au moins 1 journée par semaine (il est ensuite 2 jours en institution spécialisée) sans moyens supplémentaires parce qu’il faut l’accueillir « comme les autres enfants ». Quand nous avons évoqué nos difficultés tant dans l’aménagement des espaces (conçu pour des enfants de 2 ans : il ne tient pas sur la table à langer et la SDB est trop petite pour le coucher au sol ; il met tout en bouche y compris le mobilier...) que dans l’accompagnement individuel (manutention physique nécessitant du temps, accompagnement personnalisé pour lui éviter de mettre tout en bouche mais des objets plus adaptés, de l’accompagner au repas, de rentrer en communication avec lui...), il nous a été répondu que nous refusions « l’accueil du handicap ».