Assistantes maternelles : un rendez-vous raté. Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

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petite fille manfge avec adulte
Madame Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’Enfance a fait, fin juillet, le tour des médias pour expliquer le combat qu’elle souhaite mener contre les violences faites aux enfants. Les chiffres font froid dans le dos lorsqu’on estime que « quelque 160.000 enfants seraient victimes de violences sexuelles, principalement d'inceste, chaque année en France ». Il faut donc libérer la parole des enfants, renforcer la formation sur la détection de la maltraitance infantile, et réaffirmer l'obligation de signalement pour situation préoccupante. On parle ici des médecins, des enseignants et bien sûr … des crèches.

En juillet, tout le monde est encore sous le choc à la suite des évènements tragiques survenus à Lyon dans une crèche fin juin. C’est l’occasion pour de nombreux professionnels de l’accueil collectif de pouvoir évoquer enfin leurs conditions de travail : là aussi la parole se libère, les témoignages sont effarants, voire glaçants. Après le scandale des EHPAD, les Français découvrent parfois avec stupeur la situation catastrophique dans certaines EAJE (pas partout bien sûr), l’épuisement des professionnels et les problèmes de recrutement. Avait-on imaginé que la situation était aussi grave ? Avait-on anticipé la détresse des parents qui ne savent plus vers qui se tourner ? De nombreux médias titrent alors « qui gardera nos enfants à la rentrée ? » Mais oui, qui donc ?

Car l’accueil individuel manque aussi de bras. Les organisations syndicales et les associations tirent depuis si longtemps déjà la sonnette d’alarme : la profession est vieillissante, des milliers d’assistantes maternelles partent à la retraite et la relève n’est pas là. La période Covid si épuisante a provoqué de nombreux départs. Malgré tous les bons côtés d’un métier-passion, la profession n’attire guère les jeunes et les hommes y sont sous représentés. Alors que faire ? On nous promet une campagne de promotion de notre métier, des spots publicitaires pour attirer de nouvelles recrues. Mais ne s’agit-il pas avant tout de changer les mentalités ? Si les médias tournent en boucle sur les crèches, ses difficultés, ses problèmes, sans jamais évoquer les assistantes maternelles, de manière positive si possible, pourquoi s’étonner que les parents eux-mêmes n’y songent qu’en dernier recours ?

Alors, Madame la Ministre, permettez-moi cette question : pourquoi n’avoir donc pas un seul instant parlé des assistantes maternelles lorsque vous étiez interviewée à une heure de grande écoute sur une chaîne de radio nationale (1) ? Pourquoi la journaliste n’a-t-elle souhaité parler que de l’accueil collectif ? Sommes-nous à ce point transparentes ? A la question "comment on tient l'objectif fixé par la Première Ministre : la création de 200 000 places supplémentaires d'accueil en crèche ?", pourquoi n’avoir pas précisé que l’accueil individuel était le premier mode d’accueil en France ? Pourquoi ne pas avoir expliqué que nous aussi, nous avions une place à tenir dans la lutte contre les violences faites aux enfants, place d’autant plus importante que nous entrons chaque jour de plain-pied dans l’intimité des familles ? Ne sommes-nous pas à même de détecter des situations préoccupantes ? Quel dommage de n’avoir pas su, à l’occasion de vos nombreuses prises de parole, mettre en avant notre profession, quel rendez-vous gâché !


(1)  Replay sur Radio France


 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 31 août 2022
Mis à jour le 14 décembre 2022