Question de pro : Comment accueillir un enfant hyperactif ?

Pratiques professionnelles, questions de droits, santé des enfants accueillis... Vous êtes nombreux à partager régulièrement vos interrogations sur la page Facebook et les réseaux sociaux des Pros de la petite enfance. Afin de vous apporter des réponses utiles au quotidien, nos experts se pencheront désormais régulièrement sur l'une des questions qui vous taraude, à l'image de Marine Schmoll, psychologue en crèche, qui répond aujourd'hui à Claire, assistante maternelle. Sa question : « Comment gérer un enfant hyperactif ? Quelle attitude doit-on avoir ?  »

Si les professionnels peuvent avoir tendance à trouver qu'un enfant accueilli est « hyperactif », il est avant tout important d'essayer de différencier ce qui relève d'un comportement normal pour son âge, et donc en lien avec des besoins moteurs importants, ce qui peut être lié à une perturbation momentanée de son comportement (stress dans la famille ou sur le lieu d'accueil) et ce qui est véritablement en lien avec une hyperactivité.

Rappelons que l'hyperactivité est souvent complexe à diagnostiquer en-deçà des 3 ou 4 ans de l'enfant car avant cet âge, les besoins de mobilité des enfants sont très importants. Par ailleurs, ce diagnostic incombe exclusivement à un professionnel de santé. Il est donc essentiel pour les professionnels de la petite enfance d'adopter la juste posture et de jouer leur rôle (lui aussi très important) de repérage précoce de certains signaux qui pourront contribuer à l'accompagnement du jeune enfant.

Enfant « hyperactif » : quels sont les signes à repérer pendant l'accueil ? Quels enfants peuvent être concernés ?
À vous professionnels de repérer un enfant accueilli qui aurait donc :
  • beaucoup recours à des comportements moteurs, dans de très nombreuses situations particulièrement celles dans lesquelles les autres enfants sont plus attentifs, plus calmes. À noter : ce type de comportement peut aussi être lié au passage d'une grande étape du développement moteur. Il est donc important d'observer cet comportement excessif chez l'enfant à long terme.
  • tendance à se mettre en danger plus facilement que les autres, qui serait sujet à une forte impulsivité, qui aurait des comportements moteurs plus excessifs que les autres.
  • des troubles de l'attention, en plus de ces comportements moteurs excessifs. Là encore, il est important de garder à l'esprit que les enfants de moins de trois ans ont des capacités de concentration limitées, et c'est totalement normal. Il convient donc de repérer les enfants qui auraient des difficultés à se concentrer sur une activité adaptée à leur âge et qui leur plaît. Un exemple ? Un enfant qui a une appétence pour les activités de motricité fine, mais a sans cesse besoin de bouger pour aller au bout de ladite activité.

Enfant « hyperactif » en crèche ou chez l'assistante maternelle : une observation au long cours, une approche prudente
Pour que ce rôle de repérage bénéficie réellement à l'enfant, il convient d'être extrêmement prudent. En effet, non seulement ces observations peuvent être très difficiles à accueillir par les parents, mais elles peuvent aussi très rapidement mener, en crèche comme chez l'assistante maternelle, à coller des « étiquettes » aux enfants, ce qui est souvent préjudiciable à leur accueil. Pour toutes ces raisons, il ne faut pas banaliser le repérage des signes qui pourront peut-être mener à un diagnostic d'hyperactivité.

Votre objectif : accumuler les observations, analyser la situation au regard de votre expérience auprès d'autres enfants, en parler en analyse de pratiques et surtout ne pas s'alarmer. Pour aborder la question avec les parents, commencez par un premier échange bienveillant au moment des transmissions en faisant part factuellement de ce que vous avez constaté. Cette discussion pourra leur permettre de mettre en place une première évaluation avec un professionnel extérieur à la structure ou de temporiser s'il ne sont pas prêts. Le cas échéant, le respect de ce choix est essentiel : s'il n'y a pas d'évaluation par un professionnel de santé avant la scolarisation, ce n'est pas dramatique. Elle pourra se faire plus tard et vous permettra de prolonger vos observations si les signes s'installent ou de voir évoluer positivement la situation. Gardez à l'esprit qu'à cet âge, les enfants changent vite et qu'ils peuvent évoluer vers d'autres 'symptômes' ou au contraire, se calmer.

Enfant hyperactif ou agité : c'est aux professionnels de la petite enfance de s'adapter !
Que l'hyperactivité soit en cours d'évaluation ou que les comportements observés soient transitoires, il faut garder une chose à l'esprit : c'est au mode d'accueil et aux activités de s'adapter à l'enfant et non l'inverse. À vous, professionnels, de mettre en place au quotidien les conditions pour accompagner l'enfant dans ses besoins moteurs et lui permettre de se sentir suffisamment en sécurité. C'est ce même sentiment de sécurité qui pourra souvent participer à la diminution des troubles.

Les bons réflexes (qui bénéficieront d'ailleurs aux autres enfants du groupe) :
  • Faire un travail de dentelle au quotidien, à savoir proposer des expériences motrices très ajustées à l'enfant. Pour prendre un peu de recul, observez-le et demandez-vous par exemple : est-ce vraiment le bon moment de sortir au parc ?
  • Repérer les moments où l'enfant à besoin de se décharger et mettre en place des rituels adaptés pour l'accompagner pendant ces moments. N'oubliez pas que chez ces enfants, l'angoisse se traduit de manière motrice.
  • Séquencer ce qui va se passer dans la journée avec des explications claires, des vignettes visuelles qui permettent d'identifier les moments dans là journée. Vers 2 ou 3 ans, ces repères seront particulièrement sécurisants pour ces enfants plus actifs.
  • Faire participer l'enfant aux tâches du quotidien pour combler ses besoins, mais aussi l'aider à être plus autonome. Mettre ou débarrasser la table ou plus largement participer au repas permettra à l'enfant d'être acteur de ce moment de la journée, d'avoir moins besoin d'exprimer certaines choses au niveau moteur et de canaliser son attention. Sans oublier que cela contribue à sa socialisation !
  • Porter une attention particulière aux consignes. Il peut être compliqué de ne pas entrer, en tant que professionnel, dans un engrenage négatif face à un enfant hyperactif ou agité qui a du mal à écouter. Votre priorité avec ces enfants (plus encore qu'avec les autres) : veillez à verbaliser les consignes clairement, avec des phrases courtes et positives.
  • Évaluer la juste dose de socialisation : chez les enfants hyperactifs ou ayant de très forts besoins moteurs, la socialisation est parfois difficile, a fortiori quand ils évoluent dans de grands groupes où l'agitation peut devenir ingérable. L'idéal est donc plutôt de proposer, quand cela est possible, des activités en groupes restreints ou de limiter le temps d'activité dans des groupes élargis. Si les enfants sont généralement demandeurs de ces temps de socialisation, il est en effet essentiel qu'ils restent supportables pour les professionnels et les autres enfants du groupe, l'excitation, voire la mise en danger, pouvant parfois affecter le quotidien de l'accueil.
  • Dans le cas d'un enfant accueilli chez une assistante maternelle, la dynamique est plutôt inversée. L'enfant étant accueilli dans un petit groupe, il entre moins dans une spirale d'excitation et les échanges entre enfants et avec l'assistante maternelle sont souvent plus aisés. Par contre, il ne faut non plus verser dans l'excès inverse en restant en permanence dans cette dynamique de petit groupe. Veillez à proposer aux enfants régulièrement des activités avec un groupe élargi, au RPE ou à la ludothèque par exemple, en veillant là aussi à cadrer ces temps de socialisation afin qu'ils restent agréables pour tous.

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L'importance de l'acceptation

Chez les tout petits et particulièrement chez les enfants chez qui l'on soupçonne une hyperactivité, tout se fait en bougeant ! A vous professionnels d'accepter que l'enfant doive, pour continuer son activité, courir avant d'y revenir ! Même en-dehors du cadre d'un éventuel TDAH, il y a toujours chez  les enfants accueillis, une alternance du développement attentionnel et du développement moteur... Et évidemment, chaque enfant à son rythme personnel !

Article rédigé par : Rédaction
Publié le 22 août 2023
Mis à jour le 19 septembre 2023