La vie au centre des apprentissages selon JJ Rousseau et O.Decroly

Bernadette Moussy explique ici comment elle a découvert l’origine des Centres d’intérêt d’Ovide Decroly1 et de l’Idée central de Frédéric Fröbel2, au tournant d’un chapitre de Jean Jacques Rousseau du livre trois de Emile ou de l’éducation. En commun,  une idée forte : c’est la vie qui est au coeur de tout apprentissage Démonstration.
Tout au long de notre scolarité nous avons appris avec la succession de différentes disciplines dans la même journée : le français, la géographie, l’histoire, l’arithmétique, les sciences…Ces disciplines étant séparées les unes des autres, sans liens. En primaire elles étaient enseignées par le même maitre ou maitresse. C’était elle qui faisait le lien en quelque sorte par le fait même qu’elle enseignait le tout. Mais dans le secondaire les disciplines étaient enseignées par des professeurs différents. On se débrouillait dans notre tête pour éventuellement relier nos connaissances.
Dans la petite enfance sont organisés des ateliers, pour faire découvrir aux enfants les différentes richesses sensorielles comme le goût, le toucher, l’odorat, les couleurs, les formes… Montessori a fabriqué un matériel fabuleux pour cela. On apprend de nouveaux mots avec des images sur des petits cartons. On organise des itinéraires psychomoteurs bien précis pour améliorer certains gestes.
 
Jean Jacques Rousseau : « je hais les livres »


C’est ce saucissonnage  que Rousseau critique lorsqu’il écrit dans le  Livre trois3 :

Je hais les livres ; ils n’apprennent qu’à parler de ce qu’on ne sait pas. […] N’y auraitil point moyen de rapprocher tant de leçons éparses dans tant de livres, de les réunir sous un objet commun qui pût être facile à voir, intéressant à suivre, et qui pût servir de stimulant ? Si l’on peut inventer une situation où tous les besoins naturels de l’homme se montrent d’une manière sensible à l’esprit d’un enfant, et où les moyens de pourvoir à ces mêmes besoins se développent successivement avec la même facilité, c’est par la peinture vive et naïve de cet état qu’il faut donner le premier exercice à son imagination.4

Pour être clair : c’est plus riche sur le plan éducatif de faire un gâteau avec les enfants que de leur faire faire des exercices de reconnaissance de goût ou d’odorat avec du matériel pédagogique spécial ou de leur demander le nom des aliments hors contexte.

L’intérêt et le plaisir d’apprendre
Si je reprends le souhait de Rousseau: partir des besoins naturels de l’homme, nous voici au cœur d’un intérêt vital où l’enfant va investir son attention et faire de multiples découvertes qui ont un sens pour lui. Le contexte alimentaire lui rappelle la cuisine familiale, les odeurs sont liées à des images de repas où l’ambiance relationnelle est importante. Cette relation est porteuse d’acquisitions chez l’enfant qui s’enrichit en toute confiance et fait des liens entre les différents sens. Le plaisir est au centre des connexions5 nous dit Jean Didier Vincent. Alors l’enfant participe au déroulement du processus de la fabrication du gâteau, fait les mélanges, il goute, sent l’odeur du gâteau en train de cuire, le déguste après une attente savoureuse. Il est acteur et il expérimente. Les différentes sensations sont imbriquées les unes dans les autres pour aboutir à un partage avec ceux qui ont préparé le gâteau avec lui. Cela peut-être pareil lors d’une balade en forêt dont on rapporte des branches, des feuilles, des plumes d’oiseau… et qui se termine par une création individuelle ou commune.
Rousseau continue : Il (Emile) est toujours prêt à courir en campagne, et il aime fort les bons fruits, les bons légumes, la bonne crème et les bonnes gens. Chemin faisant la réflexion vient d’elle-même. L’enfant aime ce qu’il découvre, pense et agit.

Ovide Decroly : le centre d’intérêt



C’est ce que Decroly a appelé un « centre » d’intérêt et F. Fröbel une Idée « centrale ». C’est-à-dire un sujet sous forme d’un évènement, une chose, un animal …qui a un intérêt pour l’enfant. La définition de l’intérêt est : « une relation de convenance réciproque entre le sujet et l'objet et qui répond à un besoin ». A ce moment deux démarches se déclenchent : l’attention et la concentration, et l’ouverture d’esprit qui enchainent les connaissances et les lient entre elles.
Ce qui veut dire que l’éducateur ou le parent choisit des objets proches de l’enfant. Des objets qui le touchent.  L’enfant découvre l’origine des choses. (et constate que le lait vient de la vache et non pas des boites en carton…).
 Le programme éducatif d’Ovide Decroly est « pour la vie, par la vie » !
De quoi choisir !

 1. Pédagogue belge (1871-1936
 2. Pédagogue allemand (1782-1852),
 3. Emile ou de l’éducation
 4. Livre 3 page 238, ed. Flammarion, 1975
5. Jean Didier Vincent, La biologie des passions, Poche, 2002
 6. https://silapedagogie.weebly.com/l-inteacuterecirct.html
 7. Claparède, (1873 - 1940), médecin et psychologue genevois
Article rédigé par : Bernadette Moussy
Publié le 07 décembre 2018
Mis à jour le 07 décembre 2018