Stratégie nationale de soutien à la parentalité : ce qui est prévu dans la petite enfance

Le mercredi 30 mai 2018, lors de la Journée nationale du soutien à la parentalité, la stratégie nationale de soutien à la parentalité a été divulguée. En huit grand chapîtres et quatre questions transversales, elle dessine les contours de la politique publique qui sera menée dans les 5 ans à venir. Avec quelques idées fortes tant sur le fond que sur la méthode : ne pas imposer une parentalité normée, décloisonner les différentes actions menées et mieux les coordonner entre les différents services concernés, et s'appuyer sur les schémas départementaux de services aux familles pour déployer localement ce qui est impulsé au niveau national. Une grande question est restée sans réponse : celle des moyens qui seront alloués à la mise en oeuvre de ces grandes orientations. Zoom sur ce qui est prévu pour les parents des enfants de moins de trois ans.

« Tous différents, tous parents », « Prendre soin des parents pour prendre soin des enfants », « Dessine- moi un parent »… La stratégie nationale du soutien à la parentalité portera l’un de ces trois intitulés. La Ministre choisira. Mais les participants à la Journée nationale du soutien à la parentalité organisée mercredi par la DGCS au Ministère des Solidarités et de la Santé ont d’ores et déjà voté pour ce trio en éliminant les trois autres « slogans » proposés. Ça c’est pour l’anecdote.

Une stratégie nationale en 8 chapitres et 4 axes transversaux
Plus sérieusement la stratégie proposée s’articule autour de huit grands axes et de thèmes transversaux comme nous l’annoncions hier. Les huit axes retenus sont les suivants : accompagner les parents de jeunes enfants ; accompagner les parents de jeunes enfants âgés de 6 à 11 ans ; accompagner les parents face aux enjeux de l’adolescence ; développer les possibilités de relais parental et de répit familial ; améliorer les relations entre les familles et l’école pour qu’elles construisent ensemble et en confiance une communauté éducative ; accompagner les conflits pour faciliter la préservation des liens familiaux ; favoriser le soutien par les pairs ; améliorer l’information des familles. Et quatre enjeux transversaux : parentalité et précarité, parentalité et égalité femmes-hommes, parentalité et handicap, parentalité en Outre-Mer.

Cette stratégie que la Ministre doit approuver dans les jours prochains sera mise en oeuvre à la fois au niveau national et au niveau local. Un comité de pilotage partenarial présidé par la DGCS (grande organisatrice de la journée nationale du soutien à la parentalité) et huit groupes de travail correspondant aux huit chapitres co-présidés par une direction de l’administration centrale et un partenaire associatif se réuniront pour impulser et suivre cette politique au niveau national.
Au niveau local, la mise en œuvre de cette stratégie s’appuiera sur les comités départementaux des services aux familles prévues par les schémas départementaux des services aux familles, un pivot reconnu et salué à plusieurs reprises au cours de la journée pour les actions de soutien à la parentalité.

Cette stratégie, a rappelé Jean-Pierre Vinquant, directeur général de la cohésion sociale, lors de l’ouverture de la Journée, « est très attendue par la Ministre car soutenir les familles fait partie de ses objectifs. Une politique active de soutien à la parentalité est un bon vecteur d’intervention précoce pour la stabilité et la sécurité des enfants ». Il a également souligné que la stratégie était là pour guider les professionnels en charge de l’accompagnement des parents en leur donnant « un cadre le plus clair possible sur ce que sont les dispositifs de soutien à la parentalité, sans se substituer aux choix éducatifs et valeurs des parents ».

Accompagner les parents du jeune enfant : 9 points-clefs
Au chapitre 1 de cette stratégie nationale : les parents des enfants de moins de trois ans. Avec cette idée que c’est dès la grossesse qu’il faut pouvoir intervenir et sans discontinuité jusqu’à l’entrée en maternelle.  En portant une attention particulière aux parents d’enfants en situation de handicap, à la question des écrans et aux pères. Pères qui ont été largement cités lors des différentes interventions de la journée. Notamment par le pédopsychiatre Daniel Marcelli à propos de l’autorité, grande question des parents d’aujourd’hui puisque selon lui, la notion même de « parentalité » a contribué à brouiller les pistes. Quant aux écrans, rappelons que de nombreux experts tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois (Daniel Marcelli l’a rappelé avec insistance) et que le nouveau de carnet de santé entré en vigueur en avril consacre un point de prévention spécifique au sujet.

Neuf grandes orientations sont ainsi proposées. Certaines assez généralistes, d’autres plus précises. (Voir le détail des mesures dans l’encadré ci-dessous encadré). Ce qui ressort de ce chapitre c’est que le jeune enfant a des besoins spécifiques qui relèvent pour la plupart de la santé et du soin, et que l’accompagnement à la parentalité dépend largement des personnels de santé. Mais aussi des professionnels de l’accueil. Que le parent des enfants de cet âge a besoin d’aide pratique, sociale et parfois psychologique. Il est important d’y répondre, dans un esprit d’universalisme proportionné. Tout d’abord parce que les différences se sentent dès la maternité et sont déjà bien ancrées à l’entrée à la maternelle. Elles concernent l’alimentation, le sommeil et l’usage des écrans. Enfin parce qu’on le sait, c’est durant cette période que les parents peuvent prendre confiance en eux. Et que la finalité des actions de soutien à la parentalité n’était pas d’infantiliser les parents, de les culpabiliser ou les remplacer, mais bien de les faire se sentir compétents et à la hauteur.

Ne pas imposer des normes de bonne parentalité et travailler en réseaux
Tout au long de la journée, et le titre de la stratégie arrivé en tête des votes « tous différents, tous parents », il a été rappelé que les actions de soutien à la parentalité ne devaient pas être normatives. Il y a plusieurs façons d’être parents, plusieurs parentalités.  « Il ne s’agit pas d’imposer des normes de bonne parentalité » a insisté Guillemette Leneveu directrice générale de l’UNAF. Il faut répondre et respecter les attentes et souhaits des parents ». Et de citer pour exemple, l’accueil de la petite enfance : il y a une volonté d’amener les familles précaires à confier leurs enfants à des structures d’accueil collectif, mais ce n’est pas forcément les desiderata de ces familles. Les experts et acteurs de terrain ont insisté : même des parents en situation de pauvreté ou de vulnérabilité ont des compétences et les difficultés à être parents sont présentes dans tous les milieux. Autre point très important relevé au cours de la journée : la nécessité de travailler en réseaux. Le soutien à la parentalité mobilise des services et des domaines différents qui doivent se coordonner pour plus d’efficacité. Et là encore il a été fait référence au rôle majeur des schémas départementaux de services aux familles.


Améliorer l’accès et l’accessibilité de l’information
Une des clefs du succès de cette stratégie décidée pour 5 ans est évidemment de la faire connaitre et surtout de faire en sorte que les parents puissent savoir que des soutiens, qu’ils soient financiers ou psychologiques, existent. Et qu’ils puissent les trouver facilement. Car la question du non recours des familles aux dispositifs mis en place est centrale. Et là de l’avis de tous, il y a des progrès à faire. Non seulement les actions et organismes ou associations sont éclatés mais en plus ils sont méconnus. Un des points importants sera donc de répertorier information, d'en faciliter l’accès et de la rendre accessible à tous les publics, même ceux souffrant de handicap ou en situation de grande précarité. Le site de la Cnaf Monenfant.fr en cours de restructuration devrait remplir ces objectifs. Vincent Mazauric, le nouveau directeur général de la Cnaf, l’a d’ailleurs spécifié dans sa conclusion : « nous avons le devoir d’informer et nous avons à travailler le versant de l’accessibilité ».

La question des moyens
Consensus sur les finalités de la stratégie, sur son contenu… Néanmoins plusieurs voix se sont élevées pour poser la question des moyens qui seront accordés pour la mise en œuvre de cette utile et ambitieuse politique. Élisabeth Laithier, la co-présidente du groupe de travail petite enfance de l’AMF (Association des Maires de France) a la première posé la question, reprise ensuite par plusieurs autres partenaires, comme l'Association pour la Médiation Familiale par exemple.
L’adjointe au maire de Nancy chargée de la petite enfance et de la famille, après avoir salué le travail accompli pour définir cette stratégie nationale du soutien à la parentalité, a expliqué que l’AMF avait deux points de vigilance : « nous sommes en questionnement sur les financements, les stratégies doivent s’appuyer sur des budgets et nous sommes dans l’expectative en attendant la future COG. Et par ailleurs nous ne voudrions pas que la stratégie nationale gomme toutes les initiatives locales souvent impulsées par les communes. » Communes qui, a-t-elle une nouvelle fois rappelé, « n’ont dans leurs compétences obligatoires ni le soutien à la parentalité ni l’accueil du jeune enfant. »
D’autres ont insisté sur la nécessité de ne pas diminuer les moyens dédiés à pérenniser les dispositifs actuels.

Vincent Mazauric, a donc conclu cette journée en précisant que « les orientations de la stratégie étaient en cohérence avec la future COG 2018-2022. ». Il s’est félicité d’un bon bilan et s’est montré optimiste pour l’avenir. « Nous avons le maillage et l’organisation qui nous permettent de mieux structurer encore les politiques de parentalité. »
Et a tenté de rassurer sur les financements. « Dans l’exécution de la COG et malgré les contraintes qui existent, les économies qui se feront, je m’engage au cours de la période à soutenir un plus grand nombre de LAEP (lieux d’accueil enfants-parents) et un nombre plus grand de lieux de médiation familiale qu’aujourd’hui. J’ai demandé à la ministre à veiller à la pérennisation des actions sociales. Il y a aura des arbitrages. Mais la branche Famille sera au rendez-vous de ces stratégies au carrefour de la vie publique et de la vie privée. »

Les orientations spécifiques pour les parents des 0-3 ans

1. Proposer à l’ensemble des parents des jeunes enfants un parcours complet cohérent de services d’accompagnement faisant appel à l’ensemble des acteurs concernés sur le territoire, de la formulation du projet d’enfant à la scolarisation.
2. Inciter les acteurs du soutien à la parentalité à travailler en direction des pères de jeunes enfants.
3. Renforcer la mise en place d’actions relatives à la prise en compte des besoins des jeunes enfants dans les dispositifs de soutien à la parentalité généralistes.
4. Accompagner les familles en période périnatale (…) en développant et renforçant les activités des SAAF Familles et en renforçant leur capacité à intervenir près des familles à besoins particuliers (handicap, migrants…), notamment en développant des partenariats auprès structures ou associations en capacité de relayer l’information.
5. Accompagner l’enfant et ses parents lors de la première scolarisation en développant les espaces parents dans les écoles maternelles et les actions passerelles.
6. Renforcer le soutien à la parentalité dans les modes d’accueil des jeunes enfants : en maintenant et approfondissant la prise en compte de l’accompagnement à la parentalité dans la formation initiale et continue des professionnels de l’accueil du jeune enfant. En incitant les lieux d’accueil petite enfance à inscrire l’accompagnement à la parentalité dans leur projet d’établissement et à développer des projets avec les parents.
7. Sensibiliser aux services de soutien à la parentalité présents sur le territoire, les centres de santé, les pédiatres et médecins généralistes libéraux et aux professionnels de santé en contact avec les familles.
8. Sensibiliser les parents et former les professionnels aux risques de surexposition des jeunes enfants aux écrans interactifs.
9. Améliorer l’accompagnement des familles concernées par l’annonce d’un diagnostic de handicap lors des premières années de l’enfant en renforçant les liens avec les acteurs de la santé et les acteurs du soutien à la parentalité pouvant assurer un soutien psychologique et social, en relation avec les associations de familles confrontées au handicap.

Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 31 mai 2018
Mis à jour le 15 mai 2023