Lettre à la PMI. Par Rachel M, ex-directrice de crèche

Rachel (elle a souhaité garder l’anonymat) vient de prendre sa retraite. EJE, elle a dirigé une crèche pendant près de 30 ans, c’est dire si elle en a connu des visites  de la PMI. C'est  dire aussi si elle a vu comment ces visites ont peu à peu évolué vers des contrôles plus que des accompagnements. Le dernier contrôle l’a tant choqué, qu’elle souhaité  écrire ce texte mais rester anonyme afin de protéger ses collègues œuvrant toujours dans son ex-structure.
 PMI, Protection Maternelle et infantile, quel joli intitulé.  Mesdames les puéricultrice, médecin qui intervenez dans les structures au nom de la protection (il est bien question de protection), pourquoi vos contrôles sont-ils parfois et même souvent perçus comme persécutants, autoritaires et non fondés par les professionnels de terrain ?

Où se trouve ce décalage ?
Sommes-nous des inconscients auprès des enfants, nous qui les recevons tous les jours, nous qui donnons le meilleur de nous aux familles et à leurs enfants ?  Croyez-vous vraiment que nous sommes incultes, irresponsables ?  La majorité des structures sont-elles aussi « insecures », possèdent-elles tant de matériel obsolète, en mauvais état, pour justifier ainsi vos contrôles si arbitraires ? Des exemples ?

Premier exemple : une structure extérieure acceptée par la commission de sécurité mais devant être remplacée par votre seul avis car vous êtes sans doute les seuls à détenir les critères valables.  Comment réagir ? Déclencher une procédure longue pénible ou alors baisser les bras et engager des frais peut- être aux dépens de matériel nécessaire Oui, mais ce n’est pas votre problème ! Vous représentez les seuls experts valables.

Deuxième exemple : un EAJE ouvert depuis des années avec l’accord de votre service, et de la commission de sécurité où après votre passage et donc avec des nouvelles personnes arrivées, vous décrétez qu’il faut maintenant mettre des barrières. Il n’y a eu aucun accident, aucun problème au quotidien.  Ces personnes l’ont décidé voilà tout.  Nous avons le choix d’obéir ou de partir dans une procédure.  Croyez- vous que nous en ayons l’énergie, encore moins dans cette période

Dernier exemple :  vous nous posez des questions sur notre pratique, nos partenariats, nos activités et réunions avec les parents. Nous vous les relatons avec passion, engagement et je dirais confiance. Quelle déception à la lecture de votre compte-rendu de visite de contrôle d’y lire des critiques, des sommations d’arrêter certains usages comme un partenariat avec les écoles maternelles, ou l’escalade des enfants sur la chaise de leur section, à leur taille et « secures », car elles ne basculent pas.
Et je pourrais citer de nombreux autres exemples.

Je déplore que lors de cette visite l’échange et la sincérité ne soient pas de mise. Vous arrivez comme des contrôleuses à épier et faire ressortir tout ce qui ne va pas.  Vous cherchez l’erreur, la faute.
 Bien sûr que certaines des remarques sont justifiées (pas celles des exemples), et qu’elles peuvent nous aider à améliorer certains points ou à nous les rappeler. Nous sommes prêts à les entendre, à en discuter, à les appliquer mais non à être traité de manière infantilisante. Même au niveau du management de nos équipes, cette période est révolue.

Je déplore votre positionnement de questionner telle des enquêteuses sans donner votre avis pour nous l’écrire  ensuite de manière culpabilisante, « jugeante » et indiscutable.  Et vous osez en fin d’entretien nous indiquer que vous ne faites que des recommandations, que vous ne manquerez pas de nous rappeler l’année suivante.  Je déplore cette attitude floue, perverse.

Je déplore que vous soyez vécues seulement comme des personnes à craindre. Car,  oui, les professionnels vous redoutent et pas seulement les directrices !  Ils se sentent dévalorisés pour leur crèche, leur travail par la teneur de vos propos. Sans compter que certains gestionnaires se retournent sur la direction, la blâment, la jugent, la laissant dévalorisée. Les Mairies s’exécutent pour avoir la paix et disent que vous n’aimez pas les oppositions.

Je déplore qu’au nom de la « protection », vos contrôles génèrent des tensions, occasionnent craintes et dévalorisations.

Je déplore qu’avec de telles attitudes, vous perdiez face au terrain votre crédibilité :  vous n’êtes plus vécues comme des soutiens, des experts, des fondateurs.

Oui, Mesdames de la PMI (je n'ai connu que des dames pendant ma longue carrière de 30 ans), j’admire certaines de vos missions.  Je reconnais tout ce que vous avez apporté à la petite enfance et ce que vous apportez encore aux enfants mais je regrette la période où vous organisiez des réunions, où vous passiez les informations, les dernières découvertes, où vous vous positionniez plus comme des relais, des formatrices.  

Pour les EAJE, désormais, vous ne gardez que le contrôle - indiscutable -, mais pensez aux conséquences sur les professionnels après votre passage. Que vous n’ayez plus les moyens pour d’autres missions, n’est en aucun cas notre faute (nous aussi, nous avons moins de moyens) mais cela ne vous donne pas  le droit à de tels comportements. Soyez en conscientes et vous nous apporterez le meilleur.

 
Article rédigé par : Rachel.M
Publié le 19 août 2021
Mis à jour le 15 novembre 2021