Séverine, assistante maternelle : "J'ai peu d'espoir de toucher mes 3000 euros de salaires impayés"

Séverine Bacquet est assistante maternelle depuis près de 20 ans dans le village de Coudray, en Mayenne. Des années sans encombre jusqu’au jour où, comme des collègues de plus en plus nombreuses, elle se trouve confrontée à un problème de salaires impayés. Sans autre recours que de saisir les Prud’Hommes et le pénal, Séverine attend le jugement… sans grand espoir.
 
Une situation familiale spéciale
En 18 ans d’exercice, Séverine a gardé de nombreux enfants. À la rentrée 2021, c’est une fratrie qu’elle accueille : deux petites sœurs âgées de 4 et 15 mois, dont la situation familiale est un peu compliquée. « Au tout début, la maman était là, mais dès la signature du contrat, le papa m’a prévenu qu’ils allaient se séparer et qu’elle allait quitter le domicile. C’est ce qu’elle a fait 15 jours plus tard », se rappelle Séverine. Les deux petites filles sont par ailleurs suivies par la PMI, qui exige qu’elles soient gardées par une assistante maternelle afin qu’elles soient en contact avec d’autres personnes, en dehors du cocon familial. « Le papa avait également deux autres enfants nés d’une précédente union et placés en famille d’accueil », ajoute l’assistance maternelle.

Des retards et des absences qui se multiplient
Rien cependant qui n’empêche Séverine d’accueillir ces deux petites filles. Le contrat est signé, et c’est un « gros » contrat puisque les deux sœurs sont gardées 9 heures par jour, 5 jours par semaine. La période d’adaptation se passe bien, tout comme le mois de septembre, à quelques détails prés. « Certains jours, les horaires n’étaient pas respectés, ou alors le papa ne m’amenait pas les petites, sans me prévenir. Le premier mois, il m’a seulement payé une partie du salaire, mais a régularisé le mois suivant,» explique Séverine, qui a alors alerté la PMI de ces faits. En octobre, les choses se sont compliquées : « de plus en plus souvent, le papa n’amenait pas ses filles. J’ai très vite compris qu’il n’avait plus d’emploi ». Au fil des mois, les absences se multiplient, mais les salaires sont bien versés.

Un refus de stopper le contrat
En janvier, l’assistante maternelle n’a accueilli les deux sœurs que deux ou trois jours dans le mois. «À chaque fois que j’appelais le papa, il me donnait des excuses différentes. Et à la puéricultrice de la PMI, il livrait une autre version », raconte Séverine qui en février, demande au père de mettre fin au contrat. Il refuse : il stoppera le contrat uniquement quand il déménagera. « Mais d’un autre côté, il ne m’a pas versé le salaire de février, arguant qu’il n’avait pas à payer puisque je ne gardais pas les petites… ». Face à cette situation ubuesque, l’assistante maternelle se trouve sans recours, malgré les appels répétés à la PMI. Pendant ce temps, le père continue de percevoir les aides de Pajemploi…

Plus de 3000 euros de salaire impayés
3100,52 euros : c’est le montant total des salaires impayés. « En avril, je demande au papa de me licencier. Il me dit qu’il ne sait pas comment faire. Je rédige donc moi-même la lettre de licenciement, qu’il signe, » poursuit Séverine. Le contrat avec la famille est enfin rompu le 15 mai. Pour récupérer les sommes qui lui sont dues, l’assistante maternelle multiplie les démarches auprès de la PMI et de Pajemploi, qui lui renvoient la même fin de non-retour : ils ne peuvent rien faire, d’autant que le papa est parti sans laisser d’adresse. Séverine n’a d’autre choix que de porter l’affaire en justice. « J’ai entamé une procédure aux Prud’Hommes ainsi qu’une procédure au pénal, en déposant plainte contre le père, mais il ne s’est pas présenté à la première audience. Une seconde est prévue le 6 octobre, mais il peut demander un report pour faire traîner les choses,» explique l’assistante maternelle qui nourrit peu d’espoir quant au paiement de ses salaires, étant donné que le papa est vraisemblablement insolvable.

Un système à revoir
Difficile de ne pas éprouver un sentiment d’injustice face à un système qui, estime Séverine, protège beaucoup les parents employeurs et peu les assistantes maternelles qui ne bénéficient, par exemple, d’aucune garantie de salaire. Au cœur du sujet également, la question des aides Pajemploi versées directement aux parents employeurs dès lors qu’ils déclarent un salaire… qu’ils le versent ou non à l’assistante maternelle. Et le cas de Séverine est loin d’être isolé. « Suite à la parution de mon témoignage dans la presse locale, j’ai été contactée par une collègue à qui il est arrivé la même chose. Elle a créé un groupe Facebook rassemblant de nombreuses assistantes maternelles confrontées à des impayés, en procédure depuis des années parfois. Certaines décident même d’arrêter leur métier à cause de cela… ».

Au-delà de la question financière, le bien-être de deux petites filles
Même si Séverine n’a gardé les deux petites sœurs que quelques mois, un lien s’est évidemment créé. « D’autant que les petites étaient très en demande de présence, de jeux, de câlins. Craintives au début, je les ai vu petit à petit s’ouvrir. Mais j’ai dû signaler certaines choses à la PMI : par exemple, les petites étaient en manches courtes alors qu’il faisait froid… », se souvient l’assistante maternelle qui, au-delà de son contentieux avec le papa, ne peut s’empêcher de s’inquiéter pour le bien-être des deux fillettes.
Article rédigé par : Julie Martory
Publié le 21 septembre 2022
Mis à jour le 29 septembre 2022