Responsable d'une promotion d'auxiliaires de puériculture. Par Amandine Micoulin

Puéricultrice, cadre de santé

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auxiliaire de puériculture avec biberon
Premier cours qui démarre : j’ai bien tous mes feutres effaçables, une petite éponge pour le tableau, un ordinateur qui fonctionne. Ma chemise est fraîchement repassée, j’ai révisé toute la physiologie du corps humain : attention mesdames et messieurs les auxiliaires de puériculture, je suis votre formatrice !
Vous l’avez compris, j’effectue en ce moment un remplacement dans un institut de formation, en parallèle de mon école de coaching professionnel. J’ai déjà été accompagnante (j’aime bien ce terme) pour les puéricultrices et intervenante externe à l’occasion, mais prendre en charge dans sa globalité une promotion d’auxiliaires de puériculture, c’est la toute première fois. Mes précédentes expériences étaient très agréables, j’avais l’avantage de venir soutenir les étudiants sans sentir peser sur moi la lourdeur de l’administration, le rêve quoi.

Bref, me voilà partie pour quelques séquences autour du corps humain, et ça j’aime ça : en tant que « vieille infirmière » je dis toujours aux novices «  si tu connais bien le corps humain, alors toutes les pathologies et leurs signes en découlent, tout devient limpide ».
Limpide jusqu’à ce que je me voie confier la responsabilité de la séquence pédagogique démarche de soins. Déjà jeune étudiante infirmière, je sentais mon poil se hérisser à la seule évocation de Virginia Henderson… Alors, l’enseigner, merci chers collègues pour le bizutage !!
Me voilà donc en train de me replonger dans les 14 besoins de Virginia, pensant que quelque chose a peut être changé... Et bien non en fait.
Ne vous y méprenez pas, je trouve le concept intéressant, j’ai juste des difficultés à le rendre vivant et proche de la réalité. A priori, vu la réaction des étudiants, je ne suis pas la seule.
Mais après tout, je suis un « baby coach », je devrai pouvoir allier coaching à la MSP et enseignement non ?

Me voilà donc en train de me creuser la cervelle pour trouver des ateliers d’intelligence collective qui tourneraient autour de la passation de l’examen, de la confiance en soi.
Dès le premier atelier c’est l’échec total : les étudiants sont tétanisés par leur stress, surpris aussi par ma démarche (pas de soin cette fois, vous suivez ?).
Ils n’ont pas l’habitude d’être partie prenante de leur formation, peinent à participer aux exercices. J’anime laborieusement le groupe avec cette sensation de devoir tirer au bout d’une corde des personnes qui ne veulent pas avancer : plus je force, plus elles ancrent leurs pieds dans le sol pour se défendre.
Allez baby coach, réfléchis, persévère !!
Au fil des rendez-vous, je vois les choses évoluer, les futurs auxiliaires me font l’honneur de s’ouvrir à moi, au groupe, et les inquiétudes se verbalisent peu à peu.
Nous décidons de créer un arbre à  « Valda » sur un tableau blanc : les étudiants écrivent leurs appréhensions de manière anonyme sur des post-its et vont les coller dans le feuillage de l’arbre que j’ai dessiné. Chacun tour à tour va ensuite piocher dans ces papiers colorés et les lire au groupe.


Nous dressons in fine le bilan de la problématique de la promotion : approximativement 75 % des appréhensions sont liées au stress de la passation de l’examen, à la personnalité de l’évaluateur en lui-même et à la confiance en soi.
Le constat me surprend : je savais que le stress était un quotidien pour les étudiants, mais pas de manière si majoritaire. Vous allez me dire que j’enfonce des portes ouvertes, je vous entends déjà : oui, on sait que les études c’est stressant et que passer des examens peut être compliqué lorsque l’on doute de soi. A cela, je vous réponds oui Mais : là, on parle d’auxiliaires de puériculture qui vont sur des lieux de stage où elle sont amenées à côtoyer des enfants malades, des enfants naissants, des enfants mourant, des enfants maltraités.. Ce sont des personnes humaines et empathiques pour lesquelles le stress de l’examen finit par devenir plus difficile à gérer et à supporter que de voir ces enfants : on est bien d’accord que ce n’est pas logique non ?

Ne vous y méprenez pas, je ne suis pas en train de dire que c’est « mal », que la « jeunesse a changé » patati patata, un discours que j’ai bien trop souvent entendu.
J’interroge un système qui, malgré lui, déshumanise parfois les études et le travail de soignant, qui empêche les soignants de s’occuper pleinement de ce pourquoi ils ont choisi ce métier, à savoir ici : les enfants.
Et c’est à nous cadres, puéricultrices, enseignants de recentrer ces jeunes professionnels vers la prise en charge de ces familles qui finalement nous relient tous.

Ces ateliers d’intelligence collective m’ont permis de « rencontrer » ces élèves et de les faire travailler sur la visualisation positive des mises en situation professionnelle, sur la confiance en soi.
Je suis sincèrement admirative des personnes qui choisissent des métiers d’accompagnement ou de soin dans une époque où ces orientations sont si peu mises en lumière.

Je ressens une profonde envie de valoriser ces métiers, d’être la voix de ceux et de celles qui n’osent pas encore parler de leur travail et d’écrire pour tenter d’apporter mon grain de sel à la reconnaissance de nos métiers. Alors je vous l’accorde, c’est parfois un peu maladroit, je tâtonne, j’écris, j’efface, je recommence, je me forme au coaching, mais croyez-moi «  ça ne fait que commencer ! ».  
Et merci aux pros de la petite enfance de nous donner à tous la parole !!!
Très belle fin d’année à tous, que vous soyez au travail ou…en famille.
 
Article rédigé par : Amandine Micoulin
Publié le 01 décembre 2019
Mis à jour le 13 décembre 2019