Vaccinez-nous (ou pas) ! Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteur

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vaccin bébé
Pour les bébés nés à partir de janvier 2018, ce ne sont plus 3 vaccins obligatoires et 8 vaccins recommandés, mais 11 vaccins qui deviennent obligatoires pour les enfants âgés de moins de deux ans. Le sujet est éminemment polémique : les partisans de la vaccination ont tous les arguments et les statistiques qui vont avec, tandis que ceux qui y sont opposés disposent des arguments et des statistiques contraires, dans les mêmes proportions. C’est donc à chacun de se faire sa propre conviction sur le sujet.
Pour les professionnels de la petite enfance, le problème de l’accueil d’enfants non-vaccinés se pose de manière différente : pour intégrer une structure, EAJE, école maternelle et autre, Madame Buzyn a été très claire. Les parents devront apporter la preuve que leur enfant est vacciné, sans aucune dérogation, sauf contre-indication médicale. On parle alors « d’un impératif de santé publique, on ne peut pas y déroger pour des seuls motifs de conscience. » (1)

Cependant, l’impératif de santé publique semble s’arrêter pour l’instant à nos portes. Car rien n’a été dit concernant l’accueil individuel, le Ministère refusant de se prononcer, alors que nous accueillons deux fois plus d’enfants que les structures. Un simple oubli ? Ou bien estime-t-on qu’il s’agit d’un détail intime, d’un sujet d’ordre privé, d’une simple clause d’un contrat d’accueil ? Encore une fois, en attendant d’en savoir plus, les assistantes maternelles vont devoir se positionner seules face à leurs employeurs, de jeunes parents qui peuvent se montrer inquiets et hésitants quant à la bonne décision à prendre pour leur bébé, si jeune et si vulnérable.
Les motifs de conscience évoqués plus haut, vont donc finalement retomber sur les assistantes maternelles qui peuvent se trouver confrontées à de nombreuses situations délicates, prises entre le marteau et l’enclume : entre le respect du secret médical, le droit au respect de la vie privée, notre obligation de moyens concernant  la santé physique des enfants accueillis. La confiance réciproque de tous nos parents-employeurs (ceux qui font vacciner leur enfant, comme ceux qui hésitent à le faire), notre obligation de discrétion professionnelle qui nous interdit de divulguer des informations sur ce sujet et notre lien de subordination salariée-employeur.

Or l’idée même de refuser d’accueillir un bébé, en rien responsable des décisions de ses parents, peut choquer. Car cet enfant a aussi des droits comme celui d’être accueilli et traité avec bienveillance, quelles que soient les convictions de ses parents. Je me souviens d’un très beau texte, pourtant récent, qui disait : « Pour grandir sereinement, j’ai besoin qu’on m’accueille quelle que soit ma situation ou celle de ma famille ».(2) L’a-t-on déjà oublié ?
Les parents ont la responsabilité de veiller sur leur petit et de le protéger au mieux. Ils peuvent estimer aussi qu’ils doivent le protéger d’éventuels effets secondaires à longs termes de traitements médicamenteux dont l’efficacité est remise en question par certains médecins eux-mêmes, c’est également respectable. Ils peuvent avoir besoin de plus de temps pour prendre leur décision. L’assistante maternelle elle-même peut avoir pris la décision de ne pas faire vacciner ses enfants. La situation est loin d’être simple !
« Près d'une personne sur deux serait aujourd'hui ce que les professionnels de santé décrivent comme des hésitants vaccinaux » (3) et de quel droit pourrions-nous questionner nos futurs employeurs sur leurs intentions concernant la vaccination de leur bébé ? Et si nous nous y risquions, à quel moment en parler ? Avant la signature de l’engagement réciproque, avant la signature du contrat, avant l’accueil de l’enfant ? Les vaccinations et rappels s’étalant sur les deux premières années du bébé, devrions-nous questionner régulièrement nos parents-employeurs, demander des preuves alors que le carnet de santé est un document confidentiel ?

Si les EAJE peuvent s’appuyer sur des textes pour exclure d’office et sans état d’âme les enfants non-vaccinés (ou peut-être ont-ils également quelques scrupules à le faire ?), nous allons devoir composer seules avec notre conscience. Agir en professionnel, c’est chercher à protéger les plus fragiles, sans exclure, culpabiliser ni stigmatiser les parents qui eux, continuent à se poser nombre de questions en cherchant à faire au mieux pour leur enfant.
Si le bulletin de vaccination fait effectivement partie de la liste les documents à joindre au contrat de travail, avec les diverses autorisations, le nom des personnes habilitées à venir chercher l’enfant et autres modalités de l’accueil, cela n’est en rien une obligation légale. A juste titre, certains s’inquiètent car « il est clair que sur ce sujet comme bien d'autres, la responsabilité civile et pénale de l'assistante maternelle est engagée alors qu'elle est démunie pour effectuer les vérifications nécessaires. »(4) Effectivement, avons-nous vraiment envie d’être les gendarmes de la vaccination ?
Devons-nous craindre d’être accusées de négligence en cas de problème grave ? Nous voudrions pouvoir accueillir tous les bébés, et ce, dans les meilleures conditions possibles, car une seule chose est certaine, ils ne sont en aucun cas responsables des décisions des adultes !



(1)https://lesprosdelapetiteenfance.fr/vie-professionnelle/reglementation/vaccination-et-modes-daccueil-ce-quil-faut-savoir/obligation-vaccinale-et-accueil-du-jeune-enfant-ce-qui-est-prevu-pour-2018
(2)http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/texte-cadre-accueil-jeune-enfant.pdf
(3)https://lesprosdelapetiteenfance.fr/bebes-enfants/sante-prevention/dossiers-santeprevention/vaccination-et-modes-daccueil-ce-quil-faut-savoir/refus-de-vaccination-et-mode-daccueil-le-casse-tete
(4)Liliane Delton dans https://www.unsa-assmat.org/blog/actualites-de-la-profession/refus-de-vaccination.html

 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 27 décembre 2017
Mis à jour le 27 décembre 2017