Le syndrome du bébé secoué. Par Nathan A.

Assistant maternel

Istock
Femme triste avec bébé
Pour ma troisième chronique pas de traits d'humour, pas de tontons flingueurs. Le second degré sur le côté pour un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Parce qu’il concerne potentiellement (et malheureusement) professionnels de la petite enfance et parents : le syndrome du bébé secoué. Parce que je n'aime pas les certitudes et encore moins les personnes qui se croient au-dessus du doute. Cette chronique est ainsi le résultat d'un mélange entre informations et correspondance avec deux personnes confrontées à cette épreuve.

Pour commencer, tour d'horizon avec quelques chiffres. Le Syndrome du Bébé Secoué (S.B.S.) touche au moins trois enfants par semaine (dans les deux tiers des cas l'enfant a moins de 6 mois). Un sur cinq en meurt et pour les autres, 75 % garderont des séquelles (intellectuelles, comportementales, visuelles ou motrices) irréversibles, parfois multiples, souvent très handicapantes, immédiates ou apparaissant a posteriori. Enfin 50 % des enfants secoués le sont au moins une seconde fois.

Dramatique pour l’enfant, mais aussi pour les proches. Un environnement qui devient une victime collatérale. Un pan de vie qui soudain s'effondre. En plus du traumatisme et de la culpabilité qui en découlent - surtout si un proche en est responsable - il va falloir supporter la vie d'après. Une vie d'après qui va probablement commencer par un placement de l'enfant le temps de l'enquête. La double peine.

Aujourd'hui, on parle de plus en plus du S.B.S. et c'est tant mieux. Parce que secouer un bébé ça n'arrive pas qu'aux autres. Attention, je ne parle pas de faire l’avion spectaculairement ou de faire rebondir l'enfant trop fort sur la jambe. Non là je parle de bébé secoué : un traumatisme crânien grave. Ce moment où un adulte va prendre un enfant en le tenant au thorax ou sous les bras et le secouer d'avant en arrière, sur les côtés - violemment et donc volontairement - pendant un certain temps. Assez pour lui briser des connexions neurologiques, lui déchirer les vaisseaux sanguins. Assez pour lui casser la nuque à 180 degrés en arrière et lui faire percuter le menton sur la poitrine en moins d’une seconde. Assez pour lui déboîter le cerveau en mode boule de flipper dans sa boîte crânienne. Avec un lot de conséquences multiples chez le bébé. Diminution de ses interactions, modification du tonus, régression dans ses acquis, irritabilité prononcée, changements physiologiques (léthargie, regard figé et inerte, extrême pâleur, augmentation trop rapide du périmètre crânien, bombement de la fontanelle, vomissements en jet sans fièvre ni diarrhées, convulsions, arrêts respiratoires, perte de conscience). Évidemment, toutes n'apparaissent pas chez un bébé victime de secouements et inversement. Certains de ces symptômes peuvent être liés à tout autre chose que des secouements. Mais, au moindre doute, il ne faut pas hésiter à aller consulter un professionnel de santé.

Trop de gens se sentent à l'abri de déraper, j'en côtoie, j'en écoute et j'en lis trop souvent dans des témoignages. Un peu comme l'automobiliste qui va prendre son véhicule en continuant de se persuader qu'il ne court aucun risque en allant au travail. Alors il se permet de partir fatigué car ça ne dure que 5 minutes le temps de traverser la ville, de rouler plus vite car de toute façon même la voiture connaît la route. Bref, cette fausse certitude qu'a le don de se fabriquer l'être humain.
Combien de fois entend-on "Moi je ne pourrai jamais secouer mon bébé je l'aime trop", "Moi je suis trop professionnel-le je suis au-dessus de tout ça" ou encore ”Mais comment peut-on arriver à une telle violence sinon être un monstre.” Et c'est justement là que le risque est le plus élevé. Que le dérapage devienne incontrôlé et finisse en sortie de route. Et bizarrement, à l'heure de reconnaître l'accident, combien parleront d’un moment d’absence, d’une chute accidentelle ? Preuve ultime de la méconnaissance sur le sujet quand on connaît l'énorme différence à l'imagerie médicale entre chute et bébé secoué.

Le geste est inexcusable. Quoi qu'il arrive on ne secoue jamais un bébé. Communiquer, communiquer. L'adulte doit savoir se maîtriser. Mais surtout trouver les moyens pour ne pas arriver à cet extrême. 

C'est pourquoi je voulais aussi m’attarder sur ce qui peut faire dégénérer une situation en apparence anodine. La fatigue d'être (jeune) parent (pour la première fois), le stress des cris incompris de l'enfant et des pleurs inconsolables qui se ramassent à la pelle (sommeil, alimentation), la pression du boulot qu'on n'oublie pas, cette certitude imposée qu'un bon parent doit savoir calmer son enfant en toutes circonstances, le vase qui se remplit chaque jour (et chaque nuit). Des complications médicales diverses, une séparation mère/enfant, une grossesse particulière (multiple, rapprochée, non désirée). Pour moi et les deux mamans qui m'ont parlé : garder dans un coin de l'esprit que n'importe qui peut secouer un enfant est une des premières pierres pour lutter contre le S.B.S.

Se sentir exaspéré par les pleurs incessants peut arriver (parent, pro ou les deux). Soyons en conscients avant de franchir le point de non-retour. Non, une personne coupable d’avoir secoué un enfant n'est pas un monstre (les monstres n'existent pas même dans les chambres d'enfant rappelons-le...). C'est presque toujours un adulte dépassé qui a failli dans sa faiblesse d'humain. Qui n’a pas pu ou su trouver du soutien. On commence à nous l'apprendre en tant que professionnel, mais en tant que parent : Quand en parle-t-on ? Quand nous l'explique-t-on ? On commence enfin à dire qu'il vaut mieux sortir de la pièce quitte à laisser pleurer un bébé dans un lieu sécurisé (lit) le temps qu'il faut pour se ressourcer. Ou passer le relai autant que possible à un autre adulte. Non non ce n'est pas honteux. Un parent ou un professionnel dépassé ne fait pas de cette personne une mauvaise personne. 

Alors terminons en rappelant quelques conseils pour (tenter de) calmer un enfant qui pleure. Le bercer doucement, le masser (on ne parlera jamais assez du plaisir qu'il peut ressentir lors d'un massage de la fontanelle ou a minima du cuir chevelu), lui parler calmement, lui donner à manger, lui faire écouter de la musique voire chanter, lui changer sa couche, vérifier qu’il n’ait ni trop chaud, ni trop froid, lui donner un bain tiède (sauf en cas de fièvre)... et surtout rester calme pour se donner les moyens de garder le contrôle de soi.
 
Article rédigé par : Nathan A.
Publié le 14 septembre 2020
Mis à jour le 17 août 2021