La responsabilité du réfèrent santé et accueil inclusif dans l’administration de médicaments en crèche

La réforme des modes d’accueil a défini un cadre permettant à une structure collective d’organiser l’administration des médicaments aux enfants accueillis sans qu’il soit nécessaire que les professionnels en charge de l’administration aient des compétences médicales ou paramédicales. Or, un certain nombre de structures choisissent de ne pas organiser l’administration des médicaments, c’est-à-dire de faire le choix de ne pas administrer de médicament, en ne souhaitant pas endosser cette responsabilité. Pour Géraldine Chapurlat et Marie-Hélène Hurtig, infirmière-puéricultrice, la réalité est tout autre et une structure qui n’organise pas l’administration de médicaments engage plus sa responsabilité à ne pas l’organiser.


 
La responsabilité relative à la prise en compte de la santé relève bien sûr de la directrice et du gestionnaire mais aussi principalement du référent santé et accueil inclusif qui a compétence en matière de santé des enfants accueillis dans toutes les structures petite enfance. Ceci surtout et bien plus encore quand la direction n’est pas titulaire d’un diplôme de santé. Il appartiendrait donc au  réfèrent santé et accueil inclusif d’organiser  ou non l’administration des médicaments. La décision de ne pas organiser l’administration des médicaments nous semble en complète contradiction avec la réglementation qui  prévoit en effet  que soit organisée l’administration des médicaments dans plusieurs cas de figure : pour l’inclusion des enfants en situation de handicap ou atteints de maladie chronique, dans le cadre d’un PAI, pour permettre un  traitement ponctuel  d’un enfant accueilli et enfin pour prendre en charge un problème de santé (par exemple  fièvre) de l’enfant qui survient pendant la journée.

La  clarification pour l’administration des médicaments était attendue depuis longtemps
La réforme des services aux familles  a souhaité  permettre  aux crèches d’accueillir des enfants en situation ou atteints de maladies chroniques mettant fin à des années de turpitudes.
Jusqu’alors, il n’existait en effet pas  de dispositions permettant de considérer l’administration de médicaments prescrits comme un acte d’aide à la vie courante. Cette notion existait depuis 2009 pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux mais ne visait pas les établissements accueillant de jeunes enfants. Ainsi une EJE qui travaillait en pouponnière pouvait administrer un médicament prescrit alors qu’en crèche, rien ne l’y autorisait. La réglementation était floue.
A l’époque, administrer des médicaments en crèche aurait pu relever de l’exercice illégal de la médecine ou de la profession d’infirmier mais  en même temps, ne pas prévoir l’administration de médicaments pouvait faire basculer certaines situations quand l’absence d’administration d’un médicament aggravait l’état de santé de l’enfant accueilli  vers la qualification de non-assistance à personne en danger.
Notons cependant que de nombreuses structures organisaient déjà l’administration des médicaments afin de permettre la prise en compte de la santé de l’enfant en  en confiant l’administration,  dans le cadre d’un protocole, à des professionnels petite enfance sans compétence médicale ou para-médicale.
Quelques situations ont fait l’objet de contentieux ou se saisine du défenseur des droits dans des situations d’enfants atteints de maladie chroniques sans qu’aucune condamnation n‘ait jamais été prononcée. Depuis 2013, le défenseur des droits notait la nécessité de clarifier l’administration des médicaments aux enfants accueillis en structures petite enfance.
Dans les années 2016-2018 les parents d’une petite fille, Rose Augustin, ont mené un combat acharné pour faire reconnaitre l’illégalité de l’exclusion de leur enfant d’une micro crèche. La petite fille, qui avait un PAI en cas de survenance de crises d’épilepsie avait  été en effet exclue  quand la directrice de la structure, jusqu’alors infirmière puéricultrice, a été remplacée par une éducatrice jeune enfant. Il faut saluer l’engagement de ces parents, qui aux cotés de l’association France épilepsie, ont attiré l’attention des pouvoirs publics sur la situation des enfants atteints de maladies chroniques. Il était en effet paradoxal  que la réforme prône l’inclusion des enfants en situation de handicap ou de maladie chronique sans permettre à des professionnels qui n’ont pas de compétence médicale ou paramédicale d’appliquer les PAI de ces enfants.

Le caractère non optionnel de l’organisation de l’administration des médicaments
Le cadre réglementaire a évolué  à la faveur de la réforme,  toutes les structures collectives doivent faire évoluer leurs pratiques: un réfèrent santé et accueil inclusif devient  obligatoire dans toute structure collective et l’administration des médicaments a clairement été définie. Il n’y a pas de caractère optionnel pour la mise en place des protocoles d’administration des médicaments :
La réforme des modes d’accueil propose  maintenant un cadre clair pour l’administration des médicaments: il est permis à toute personne en charge de l’encadrement des enfants d’administrer des médicaments prescrits, peu importe que ces personnes aient une compétence médicale ou paramédicale. Il suffit que l’administration  soit réalisée à la demande des parents, que le médecin prescripteur n'ait pas expressément demandé l'intervention d'un auxiliaire médical. Le professionnel administrant le traitement  doit avoir la maîtrise la langue française et se conformer aux modalités de délivrance de soins spécifiques, occasionnels ou réguliers, précisées dans un protocole. Enfin l’administration du médicament devra être consignée sur un registre spécifique.
Chaque structure petite enfance dispose maintenant  dans ses effectifs d’un référent santé et accueil inclusif dont l’une des missions consiste à contribuer à la rédaction des protocoles santé annexés au règlement de fonctionnement. Dans la mesure où il existe un cadre clair pour l’administration des médicaments, ne rien rédiger équivaut à dire que la structure ne prend pas en compte la santé des enfants  dans tous les cas de figure évoqués plus haut.

La responsabilité spécifique du référent santé et accueil inclusif vis-à-vis des protocoles santé
Peut-on dire qu’au final ce sont les responsables d’établissements qui choisissent ou non d’organiser l’administration des médicaments ? Dans la mesure où c’est le référent  santé et accueil inclusif qui détient les compétences  en matière de santé, il engagerait,  plus que sa direction, sa responsabilité à ne pas rédiger des protocoles, ce qui ne permettrait  pas l’administration de médicaments dans le cadre fixé par la réforme.
La réglementation prévoit que le référent santé et accueil inclusif contribue avec le réfèrent technique, responsable technique ou directeur d’établissement à la rédaction des protocoles santé. En cas de contentieux, la situation sera examinée à la lumière des compétences et missions du référent santé et accueil inclusif et du cadre règlementaire applicable à ce jour aux structures petites enfances. Ce sont l’ensemble de ces éléments qui détermineront  plus spécifiquement la responsabilité  du référent santé et accueil inclusif à organiser l’administration des médicaments et former les professionnels à l’application de ce protocole.
Parce que, outre la rédaction des protocoles santé, le référent santé et accueil inclusif  doit présenter et expliquer aux professionnels chargés de l’encadrement des enfants ces protocoles afin de prendre en compte la santé de l’enfant, et notamment transmettre des repères aux professionnels au maintien d’un enfant malade en collectivité. Parce que prévoir la possibilité d’administrer des médicaments ne doit pas non plus aboutir à accueillir des  enfants  dont l’état de santé n’est pas compatible avec l’accueil en collectivité. Accompagner l’équipe dans la réflexion autour de l’accueil d’un enfant malade (en dehors bien sur des maladies à exclusion obligatoire ou d’urgence vitale) est complexe et essentiel, pour  prendre en compte les éléments de santé mais aussi, psychologique, sociaux dans une vision de santé globale de l’enfant accueilli.
On peut le dire, eu égard  à l’entendue des missions assignées au référent santé et accueil inclusif et les responsabilités qui en découlent le nombre d’heures  fixé à minima dans la réforme apparait bien ridicule!

 
Article rédigé par : Géraldine Chapurlat et Marie-Hélène Hurtig
Publié le 06 février 2023
Mis à jour le 28 mars 2023