Comme à la maison ou comme à la crèche ? Par Laurence Rameau

Puéricultrice, formatrice, auteure

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beau bébé souriant
Les modes d’accueil pour les jeunes enfants sont souvent présentés comme étant multiples et variés. Or, pour les parents, la recherche d’un lieu d’accueil pour leur enfant consiste encore à « choisir » entre assistante maternelle et crèche. Mais que constate-t-on comme évolution dans ce milieu des services aux familles ?

De moins en moins d’assistantes maternelles travaillant à leur domicile. Alors que le premier mode d’accueil, celui des assistantes maternelles, décroit en nombre de places offertes, le second, celui des crèches, a le vent en poupe. Les raisons sont diverses, la principale étant sans doute le départ massif à la retraite des assistantes maternelles, profession qui connait une pyramide des âges très défavorable. Les autres causes peuvent être analysées au regard des souhaits réels des parents et de ceux des professionnels.  
Pour les parents, les notions de proximité, de simplicité, de financement, de sécurité et de sociabilité, représentent des arguments de taille dans la recherche d’un mode d’accueil. Pour autant, la pénurie de places, toujours réelle, ne leur permet pas  d’effectuer de vrais choix et les oblige souvent à devoir arbitrer entre des solutions ne répondant pas forcement à l’ensemble de leurs critères. Pour la majorité d’entre eux la crèche représente leur premier choix. Mais devant la difficulté d’obtenir une place près de chez eux, ou à proximité de leur travail, et qui plus est en correspondance avec leurs horaires, nombre d’entre eux embauchent au final une assistante maternelle. Les disparités territoriales font que des assistantes maternelles sont au chômage dans certaines régions, alors que d’autres souffrent du manque de ces professionnelles. De plus, le fait de devenir employeur représente un obstacle supplémentaire pour certains parents, qui préfèrent à juste titre, payer un service plutôt que d’employer une personne et d’endosser les responsabilités qui vont avec.
Pour les jeunes professionnelles, si l’idée de travailler comme assistantes maternelles leur plait, le fait d’exercer à leur domicile représente parfois, et de plus en plus souvent, plus d’inconvénients que d’avantages. L’archétype de la mère (ou du père) au foyer est réellement passé de mode et les jeunes professionnelles aspirent à avoir des collègues, un lieu de travail différent de leur lieu d’habitation et des horaires moins étendus du fait de leur absence du domicile.

De cela résulte ce que l’on voit poindre pour les années à venir, c’est-à-dire le développement des places d’accueil en crèche et en maison d’assistantes maternelles, les deux modes d’accueil étant principalement des initiatives privées.

Principalement pour des micro-crèches ou des petites crèches, le secteur privé à but lucratif ou associatif est en pleine effervescence pour développer ces structures. Il est en cela soutenu par les fonds de subventions alloués par les caisses d’allocations familiales et par la simplification et l’unification des obligations légales, en termes de locaux et de fonctionnement. En effet, cette clarification a pour vertu de lever les obstacles et les fantaisies départementales qui étaient auparavant un frein au développement des structures. En connaissant préalablement les obligations légales, les porteurs de projets gagnent du temps dans leur recherche de locaux, dans leurs aménagements et dans la mise en place de leurs projets d’établissements.
Afin de favoriser la création de MAM, la CNAF a rendu possible l’accès de ces structures au Plan d’investissement pour l’accueil du jeune enfant (Piaje), dispositif  auparavant réservé aux EAJE et aux RAM, aux mêmes conditions et avec les mêmes barèmes que ces derniers. De ce fait, les EAJE et les MAM se trouvent à égalité de traitement pour ce qui concerne le développement de nouvelles structures. Cela va considérablement aider les porteurs de projets MAM à s’installer dans les territoires où le manque d’assistantes maternelles est réel et/ou les professionnelles souhaitent travailler hors de leur domicile.  

Pour les novices du monde de la petite enfance, ces deux modes d’accueil se ressemblent :
-    La crèche et la  MAM sont des accueils collectifs regroupant un certain nombre d’enfants et de professionnelles sur un même lieu d’accueil.  
-    Elles ont les mêmes missions réglementaires : assurer la santé, le bien-être, le bon développement physique, psychique, affectif, cognitif et social des jeunes enfants, contribuer à leur éducation, à leur inclusion et à leur socialisation, particulièrement pour les enfants pauvres, atteints de maladie ou porteurs de handicap, favoriser la conciliation entre la vie professionnelle, sociale et familiale des parents, favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes.
-    Elles sont toutes deux soumises aux principes de la charte nationale pour l’accueil du jeune enfant.
-    Elles doivent l’une comme l’autre présenter un projet pédagogique et social conforme aux orientations inscrites dans la réforme des modes d’accueil du jeune enfant.

Il est donc intéressant de se demander ce qui les différencie réellement sur le fond comme sur la forme, celle de l’accueil par une assistante maternelle travaillant en collaboration avec d’autres, mais conservant son statut d’assistante maternelle employée par les parents, ou celle de l’accueil par un établissement d’accueil du jeune enfant avec son règlement de fonctionnement.
Il est possible que la différence se face au niveau des représentations et idéologies de base véhiculées par ces deux institutions d’avenir de la petite enfance.
La MAM est construite sur l’idée d’un accueil « comme à la maison », d’où son nom. Son paradigme est basé sur la volonté d’offrir aux enfants un lieu qui ressemble à une maison, avec ses espaces de vie, de sommeil, de repas et de soins, comme le proposerait toute maison confortable et suffisamment grande pour accueillir plusieurs enfants et adultes. Le fonctionnement, bien que collectif, cherche à être en adéquation avec la possibilité de faire des réponses individualisées aux besoins des enfants. L’idée générale est celle d’une deuxième maison, dans laquelle il serait proposé à chaque enfant de prolonger son rythme de vie et ses habitudes, de la première maison, celle des parents, à la seconde, la MAM. Un fonctionnement de type « familial » en quelque sorte.
La crèche, quant à elle, fait le projet de se différencier de l’accueil familial. (Je trouve que c’est un peu dangereux car on pourrait comprendre que la MAM ne le fait pas…) pour proposer un autre type d’environnement permettant aux jeunes enfants d’évoluer dans deux mondes différents : celui de la maison et celui de la crèche, sans rechercher ni à les opposer, ni à les rapprocher. L’idée est ici d’ouvrir des possibilités d’apprentissages autres et complémentaires à ceux délivrés par les parents, comme si les enfants étaient baignés dans deux langues en même temps. Le projet global n’est donc pas celui de la poursuite des habitudes de vie de la maison parentale vers la crèche, mais celui de l’ouverture à d’autres fonctionnements, venant accroitre le potentiel de chaque enfant.
Evidement les frontières entre les deux projets ne sont pas si bien établies et sont mêmes très poreuses. Il est des crèches qui proposent des fonctionnements plutôt familiaux et des MAM qui établissent des projets pédagogiques bien éloignés du « comme à la maison », s’émancipant les unes et les autres de leurs modèles de bases. Dans ce cas, il est bien difficile pour les parents de choisir entre l’une et l’autre institution collective. Le « Comme à la maison », ou le « Comme à la crèche », n’a plus vraiment de sens, seul compte alors la réalité du mode d’accueil proposé près de chez eux, pourvu qu’il soit pratique et peu onéreux.


 
Article rédigé par : Laurence Rameau
Publié le 03 janvier 2022
Mis à jour le 04 janvier 2022